Conséquences de l'agression persistante de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l'Europe
Recommandation 2228
(2022)
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Discussion
par l’Assemblée le 27 avril 2022 (13e et
14e séance) (voir Doc. 15506, rapport de la commission des questions politiques et
de la démocratie, rapporteur: M. Frank Schwabe). Texte adopté par l’Assemblée le
27 avril 2022 (14e séance).Voir
également la Résolution
2433 (2022).
1. Réaffirmant
que l'agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine constitue
une violation grave du droit international et un manquement flagrant
au Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1),
l'Assemblée parlementaire se félicite de la décision du Comité des
Ministres, adoptée le 16 mars 2022, d'exclure la Fédération de Russie
du Conseil de l'Europe, conformément à l'
Avis 300 (2022) de l'Assemblée.
2. Le rôle du Conseil de l'Europe face à cette crise ne s'arrête
cependant pas à l'exclusion de la Fédération de Russie de l'Organisation.
Le Conseil de l’Europe devrait s'associer aux efforts déployés par
la communauté internationale pour faire pression au maximum sur
la Fédération de Russie afin que celle-ci mette fin aux hostilités,
retire ses troupes du territoire souverain de l'Ukraine et soit
tenue responsable des crimes et des dommages qu'elle a causés tout
au long de cette agression persistante.
3. En outre, le Conseil de l'Europe devrait continuer à faire
preuve d'unité et de détermination, en étant en première ligne pour
fournir une assistance à l'Ukraine. À cette fin, l'Assemblée appelle
le Comité des Ministres à établir, sans délai, un ensemble de mesures
d'assistance immédiate pour répondre aux besoins exprimés par les
autorités ukrainiennes, en tenant compte également des priorités
suivantes:
3.1 renforcer la résilience
et la capacité des institutions publiques à assumer leurs responsabilités
et à faire respecter les normes du Conseil de l’Europe, notamment
dans les domaines de l’État de droit, avec un soutien spécifique
au pouvoir judiciaire et aux autorités de poursuite, ainsi que dans
le domaine de la liberté d’expression, dans le but de lutter contre
la propagande et la désinformation russes;
3.2 prendre toutes les mesures pratiques nécessaires pour
que l’Ukraine puisse continuer à être un membre actif du Conseil
de l’Europe et participer à ses activités malgré la guerre d’agression;
3.3 appuyer la collecte de preuves et les enquêtes sur les
violations présumées des droits humains, du droit humanitaire et
les autres crimes internationaux, en renforçant la capacité des
autorités chargées des poursuites et du respect des lois en Ukraine
à documenter et à recueillir des preuves, notamment sur les violences
fondées sur le genre, qui exigent une intervention rapide, et en
accroissant les capacités des organisations non gouvernementales,
des journalistes et de la société civile à interagir avec ces autorités;
3.4 répondre aux besoins des personnes en situation de vulnérabilité,
notamment les personnes déplacées, les femmes, les personnes âgées,
les personnes handicapées, les victimes de violences sexuelles,
les victimes de traumatismes, les enfants, y inclus les enfants
séparés ou non accompagnés, et les victimes potentielles ou avérées
de la traite;
3.5 contribuer à garantir la liberté d'information, la liberté
des médias et la protection des journalistes.
4. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à envisager la
nomination d’un·e représentant·e spécial·e sur les conséquences
de l'agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.
5. L'Assemblée invite également le Comité des Ministres à envisager
un train de mesures d'assistance à mettre en œuvre après le conflit,
qui serait élaboré en étroite consultation avec les autorités ukrainiennes,
pour répondre à l'évolution de leurs besoins, et en coordination
avec les homologues internationaux du Conseil de l'Europe.
6. L'Assemblée réitère son point de vue selon lequel le Conseil
de l'Europe devrait continuer à soutenir – et à collaborer avec
– les défenseurs des droits humains, les forces démocratiques, les
médias indépendants et la société civile du Bélarus et de la Fédération
de Russie, deux États non membres impliqués dans cette agression.
Cette politique permettrait à l'Organisation d’être une communauté
des valeurs et tiendrait pleinement compte de l'importance de collaborer
avec les organisations non gouvernementales et la société civile,
comme l'ont reconnu plusieurs réunions ministérielles du Conseil
de l’Europe. Dans ce contexte, l'Assemblée invite le Comité des
Ministres à veiller à ce que:
6.1 les
défenseurs bélarusses et russes des droits humains, les forces démocratiques,
les journalistes indépendants et la société civile, qui respectent
les valeurs et les principes de l’Organisation, y compris l’intégrité
territoriale des États membres souverains, puissent être invités
à participer aux réunions du Conseil de l'Europe dans les mêmes
conditions que leurs homologues des États membres de l’Organisation;
6.2 des représentant·e·s des forces démocratiques et de la
société civile bélarusse participent aux travaux des organes du
Conseil de l’Europe, conformément à la décision du Comité des Ministres
de renforcer les relations de l’Organisation avec la société civile
bélarusse et l’opposition en exil;
6.3 les principaux documents, publications et pages web du
Conseil de l'Europe soient disponibles en russe;
6.4 la plateforme pour renforcer la protection du journalisme
et la sécurité des journalistes continue à surveiller la situation
de la liberté des médias et la sécurité des journalistes au Bélarus
et dans la Fédération de Russie;
6.5 les professionnels du droit et les défenseurs des droits
humains bélarusses et russes indépendants puissent continuer à être
informés des normes et instruments du Conseil de l'Europe et à y
être formés, et aient accès aux contenus, aux cours et aux possibilités
de formation de l’Organisation.
7. L'Assemblée invite également le Comité des Ministres à évaluer
la faisabilité de la mise en place d'un programme dédié permettant
aux défenseurs des droits humains, aux forces démocratiques, aux
journalistes indépendants et à la société civile bélarusses et russes,
qui respectent les valeurs et les principes de l’Organisation, y
compris l’intégrité territoriale des États membres souverains, de
participer activement aux activités du Conseil de l'Europe.
8. L'Assemblée réitère son soutien à l'organisation d'un 4e sommet
des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe pour
réaffirmer les valeurs de la démocratie, des droits humains et de
l'État de droit, et pour élaborer une nouvelle vision de l’Organisation
dans le contexte de l'architecture multilatérale européenne. Le
sommet devrait réunir des représentants de haut niveau de l'Union
européenne et aborder des défis tels que:
8.1 la promotion de la sécurité démocratique, qui est également
une condition préalable à la paix et à la stabilité;
8.2 la lutte contre le recul de la démocratie en s'attaquant
à ses causes profondes;
8.3 la revitalisation de la démocratie par l'innovation et
une plus grande participation des citoyens;
8.4 la mise en place de mécanismes d'alerte rapide efficaces,
afin de prendre des mesures promptes, décisives et collectives face
aux menaces qui pèsent sur l'État de droit, les normes démocratiques
et la protection des droits humains.
9. L'Assemblée appelle les gouvernements des États membres du
Conseil de l'Europe, et le Comité des Ministres dans son ensemble,
à se mobiliser et à manifester leur confiance renouvelée dans le
Conseil de l'Europe en veillant à ce qu'il dispose des ressources
nécessaires pour mener à bien son mandat. L'Assemblée encourage
également l'augmentation des contributions volontaires afin que
le Conseil de l'Europe puisse apporter son aide et son soutien à
l'Ukraine, immédiatement et une fois la guerre d'agression que mène
la Fédération de Russie terminée, et pour renforcer la capacité
opérationnelle globale de l'Organisation.