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Pays tiers sûrs pour les demandeurs d’asile

Résolution 2461 (2022)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Discussion par l’Assemblée le 12 octobre 2022 (31e séance) (voir Doc. 15592, rapport de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, rapporteure: Mme Stephanie Krisper). Texte adopté par l’Assemblée le 12 octobre 2022 (31e séance).Voir également la Recommandation 2238 (2022).
1. Rappelant le droit de demander l’asile et d’en bénéficier en vertu de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés («Convention de 1951 sur les réfugiés») et, pour les États membres de l’Union européenne, en vertu de l’article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Assemblée parlementaire note avec inquiétude une tendance à renvoyer ou à transférer les demandeurs d’asile vers des pays tiers sans que la sûreté de ces derniers, la légalité des renvois et l’existence et la possibilité de disposer de certaines normes de protection objectives soient clairement établies.
2. L’Assemblée souligne que l’article 31, paragraphe 1, de la Convention de 1951 sur les réfugiés énonce seulement que des sanctions ne seront pas imposées en raison de l’entrée ou de la présence illégale de réfugiés ou de demandeurs d’asile venant directement d’un territoire où leur vie ou leur liberté étaient menacées. Il n'est pas admissible de priver effectivement les demandeurs d'asile de l'accès à un examen et à un traitement équitables et effectifs de leur demande d'asile, conformément aux normes internationales, car cette privation peut leur faire courir le risque de se voir refouler et de subir d'autres violations de leurs droits. Les demandeurs d’asile ne sont donc pas tenus de demander une protection dans le premier pays d’arrivée sûr et ne peuvent pas être pénalisés s’ils ne le font pas.
3. Se référant à la Conclusion no 58 (XL) du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire des Nations Unies, l’Assemblée reconnaît qu’il est important de clarifier le statut juridique et la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile qui quittent de façon irrégulière un pays où la protection leur a déjà été accordée afin de faire une demande d’asile ou de résidence permanente dans un autre pays.
4. L’Assemblée considère qu’il est important pour les demandeurs d’asile et les États membres du Conseil de l’Europe de préciser en temps utile l’État qui est responsable du traitement d’une demande d’asile. Toutefois, elle est consciente du fait que le principe du pays tiers sûr prévu à l’article 33 de la Directive 2013/32/UE refondue du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, selon lequel un État membre de l’Union européenne peut déclarer irrecevable une demande de protection internationale si un pays qui n’est pas un État membre de l’Union européenne est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur, ne s’applique pas aux États non membres de l’Union européenne. Cette situation peut entraîner une incertitude juridique au détriment des demandeurs d’asile.
5. L’Assemblée rappelle la Recommandation no R (97) 22 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux États membres, qui énonce des lignes directrices sur l’application de la notion de pays tiers sûr et énumère les critères permettant de déterminer si un pays peut être considéré comme étant sûr, notamment «le respect par le pays tiers des normes internationales des droits de l’homme relatives à l’asile, telles qu’elles sont fixées par les instruments universels et régionaux» et le fait que «le pays tiers assurera une protection effective contre le refoulement et la possibilité de demander l’asile et d’en bénéficier». Depuis l’adoption de la recommandation, de nombreuses évolutions juridiques ont eu lieu.
6. Se félicitant de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêts nos C-564/18, C-924/19 et C-925/19), l’Assemblée réaffirme que le retour d’un demandeur d’asile dans un pays tiers sûr nécessite un lien avec ce pays qui va au-delà du simple transit de la personne concernée.
7. Se félicitant de la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Ilias et Ahmed c. Hongrie (Requête no 47287/15), M.K. et autres c. Pologne (Requêtes nos 40503/17, 42902/17 et 43643/17) et M.S.S. c. Belgique et Grèce (Requête no 30696/09), l’Assemblée souligne que les autorités compétentes des États membres du Conseil de l’Europe doivent déterminer, avant de renvoyer ou d’expulser un demandeur d’asile vers un pays tiers, si cette personne peut véritablement accéder à une procédure d’asile effective dans le pays concerné sans être exposée à un risque de traitement inhumain et dégradant, de torture en violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) ou de refoulement en chaîne.
8. Se félicitant des travaux de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile pour élaborer une approche coordonnée au sein de l’Union européenne permettant d’évaluer la sûreté des pays tiers, l’Assemblée estime que des efforts coordonnés devraient également être entrepris au niveau du Conseil de l’Europe. Par conséquent, en s’appuyant sur ces travaux et en tenant compte de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme, l’Assemblée encourage l’élaboration de critères nouveaux et actualisés au niveau du Conseil de l’Europe pour évaluer la sûreté des pays tiers.
9. L’Assemblée souligne également le fait qu’aucune présomption absolue de sûreté ne peut être établie, car la situation dans un pays sûr peut se dégrader au point de rendre ce dernier dangereux. À cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme a précisé dans l’affaire M.S.S. c. Belgique et Grèce (arrêt de Grande Chambre du 21 janvier 2011, Requête no 30696/09) que les requérants devaient pouvoir contester la présomption de sûreté d’un pays au regard de leur situation particulière et sans avoir à supporter toute la charge de la preuve. Dans l’arrêt de chambre Ilias et Ahmed c. Hongrie (Requête no 47287/15), la Cour a indiqué que la charge de la preuve ne devait pas, au regard de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, être inversée au détriment des requérants. Par conséquent, se référant aux considérations de la Cour européenne des droits de l’homme, l’Assemblée encourage l’élaboration de règles de procédure au niveau du Conseil de l’Europe afin que les demandeurs d’asile aient une possibilité équitable de réfuter la présomption de sûreté.
10. L’Assemblée reconnaît que le suivi des décisions relatives aux pays tiers sûrs est essentiel pour améliorer la pratique des États membres du Conseil de l’Europe et pour renforcer les droits des demandeurs d’asile et des réfugiés. Elle encourage par conséquent les États membres à mettre en place des mécanismes de contrôle objectifs et indépendants pour surveiller la législation et la pratique nationales à cet égard.
11. Rappelant sa Résolution 2409 (2021) «Relocalisation volontaire des migrants ayant besoin d’une protection humanitaire et réinstallation volontaire des réfugiés», l’Assemblée se félicite du débat actuel sur la relocalisation et la réinstallation des demandeurs d’asile dans les États membres de l’Union européenne et au-delà, tout en encourageant les États membres du Conseil de l’Europe à déployer de nouveaux efforts à cet égard. Une telle action donnerait la priorité à la solidarité sur le recours au concept de pays tiers sûr.
12. L’Assemblée invite la Représentante spéciale de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe sur les migrations et les réfugiés à contribuer au renforcement de la coordination et de la coopération entre les États membres dans l’application du concept de pays tiers sûr dans le contexte de l’asile.