19/03/2015 Egalité et non-discrimination
"Dans le domaine des discours de haine, de nombreuses fractures idéologiques et conceptuelles existent à la Cour européenne des droits de l'homme. Cette situation s'explique par la difficulté de faire la distinction entre le "discours Charlie Hebdo" et le "discours Dieudonné". Où s'arrête le discours offensif et provocateur, mais qui demeure au coeur des valeurs démocratiques et le discours véritablement haineux mais bien dissimulé?" s'est interrogé Nicola Hervieu de l'Université Panthéon-Assas lors d'une réunion de l'Alliance parlementaire contre la haine.
Lors d'une audition organisée aujourd'hui à Paris par l'Alliance sous l'égide de la Commission sur l'égalité et la non-discrimination de l'APCE, les participants ont examiné comment trancher entre l'indispensable ouverture démocratique et l'inéluctable réflexe de clôture. En somme, comment permettre à la liberté d'expression de s'épanouir pleinement, sans que cela nourrisse la haine et la violence. Selon M. Hervieu, l'ambivalence de la notion de "démocratie" est au coeur du dilemme. Protéger la liberté d'expression à tout prix au nom de la démocratie et lutter contre les discours nocifs qui minent la démocratie. "Deux tendances jurisprudentielles s'opposent. D'une part une tendance axiologique qui permet d'ostraciser certains discours offensifs uniquement en raison de leur propension à heurter ou froisser certaines valeurs; d'autre part une tendance libérale qui, au nom de l'ouverture démocratique, tolère tous discours, aussi abjects et choquants qu'ils soient," a expliqué M. Hervieu.
Les particpants étaient unanimes pour conclure que face à ce dilemme classique, il importe avant tout d'éviter le piège tendu par l'intolérance elle-même: sous couvert de lutte contre les discours offensifs, les gardiens de la démocratie et du libre débat public peuvent en venir à renier le coeur même de l'ouverture démocratique. En ces temps troubles, chacun peut se trouver à front renversé car la censure peut poursuivre des mobiles humanistes et la liberté d'expression être invoquée par des ennemis de la liberté. C'est précisément contre ce risque de perte des repères démocratiques qu'il importe de lutter, ont-ils déclaré.