Action humanitaire pour les réfugiés et les migrants dans les pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Texte
adopté par la Commission permanente, agissant au nom
de l’Assemblée, le 28 mai 2021 (voir Doc. 15284, rapport de la commission des migrations, des réfugiés
et des personnes déplacées, rapporteur: Lord Alexander Dundee; et Doc. 15285, avis de la commission des questions sociales, de la
santé et du développement durable, rapporteure: Mme Jennifer
De Temmerman).Voir également la Recommandation 2203 (2021).
1. L’Assemblée parlementaire constate
avec une vive inquiétude la grave situation humanitaire des réfugiés,
des migrants et des personnes déplacées au sein de leur propre pays
dans de nombreux pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient où ils
sont en proie à la violence et victimes de l’exploitation et de
la traite des êtres humains. Cette partie du monde est une région
de transit majeure pour les migrants, les réfugiés et les demandeurs
d’asile en route vers l’Europe, dont beaucoup risquent leur vie
en mer Méditerranée ou dans des pays de transit dangereux de la
rive sud de la Méditerranée, ou encore dans l’Atlantique en tentant
la traversée vers les îles Canaries espagnoles.
2. L’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Union africaine
et l’Union européenne s’emploient à améliorer la situation humanitaire
avec l’aide de nombreuses associations caritatives privées et d’organisations
non gouvernementales, et un nombre très important de bénévoles.
Leur action dépend largement du soutien politique et de l’aide financière
fournis, entre autres, par les États membres du Conseil de l’Europe
et fréquemment promis lors de conférences internationales de donateurs.
Cependant, tous ces engagements ne sont pas pleinement mis en œuvre.
3. L’Assemblée regrette que l’assistance humanitaire fournie
par les États membres pâtisse parfois d’une coordination insuffisante
entre les pays donateurs européens et les pays bénéficiaires, ce
qui se traduit par des inégalités régionales dans l’apport d’assistance
humanitaire ainsi qu’une moindre efficacité de l’aide. Certains
pays bénéficient d’une plus grande attention que d’autres, ce qui
peut avoir de graves conséquences sur le plan humanitaire. Ces disparités
régionales font peser des pressions supplémentaires sur les migrants et
les réfugiés, qui amènent ces derniers à poursuivre leur trajet
vers d’autres pays.
4. Les parlements nationaux débattent et approuvent les budgets
nationaux, y compris l’aide financière à apporter aux pays étrangers.
La plupart des parlements ont des groupes de contact bilatéraux
ou régionaux avec des parlements étrangers. L’Assemblée est donc
particulièrement bien placée pour sensibiliser ses membres et leurs
parlements, et pour promouvoir une action européenne concertée.
Grâce à ses relations avec les parlements ayant le statut de partenaire
pour la démocratie, et à ses relations avec d’autres parlements
de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, l’Assemblée a une possibilité
sans équivalent de promouvoir – au niveau parlementaire – un dialogue
constructif sur la situation humanitaire et les besoins des migrants
et des réfugiés se trouvant dans cette région.
5. Le budget du Conseil de l’Europe ne comprend pas de fonds
destinés à aider financièrement les États non membres. Cependant,
l’Algérie, le Cap-Vert, le Maroc et la Tunisie sont membres du Centre
Nord-Sud du Conseil de l’Europe établi à Lisbonne, qui vise à faciliter
la transition politique démocratique et contribue à promouvoir une
bonne gouvernance et à renforcer et à élargir l’action régionale
du Conseil de l’Europe en matière de lutte contre les menaces transfrontalières
et mondiales. L’intérêt partagé des États membres et des pays du
voisinage est de poursuivre la création d’un espace juridique commun
comprenant l’Europe et le sud de la mer Méditerranée à travers la
promotion non seulement des conventions du Conseil de l’Europe,
avec au premier chef: la Convention européenne d’entraide judiciaire
en matière pénale (STE no 30), la Convention du
Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STCE no 197) et la Convention du Conseil de
l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard
des femmes et la violence domestique (STCE no 210),
mais aussi des accords partiels, et à travers la mise en œuvre effective
des normes européennes et internationales (tels l’Accord de Paris,
les Objectifs de développement durable (ODD) et la Convention des
Nations Unies relative aux droits de l’enfant).
6. L’Assemblée apprécie grandement le rôle central que jouent
le Bureau des Nations Unies de la coordination des affaires humanitaires
ainsi que le Comité permanent interorganisations des acteurs onusiens et
non onusiens œuvrant en faveur de l’aide humanitaire, sous la direction
du Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires
et Coordinateur des secours d’urgence. L’aide humanitaire nationale
devrait être fournie dans le cadre d’une telle action coordonnée
et ciblée en faveur des différents pays concernés, et répondre aux
évaluations objectives des besoins. Dans ce contexte, il est important
que les États membres et leurs parlements coopèrent étroitement
avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et
l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), y compris
avec leurs bureaux extérieurs dans les pays concernés.
7. Les États membres devraient évaluer, avec le HCR et l’OIM,
les besoins humanitaires recensés dans les camps de réfugiés et
autres camps et hébergements, y compris pour les personnes déplacées
dans leur propre pays. Les personnes les plus vulnérables qui se
trouvent dans ces lieux devraient recevoir à titre prioritaire une
aide et une protection contre les violences liées à la migration,
en particulier les violences sexuelles et la traite des êtres humains.
Parmi ces personnes vulnérables, les enfants, accompagnés ou pas, sont
surreprésentés et nécessitent une attention particulière afin de
préserver leur intérêt supérieur et d’exercer leur droit à la réunification
familiale.
8. Se référant à sa
Résolution
2323 (2020) «Action concertée contre la traite des êtres
humains et le trafic illicite de migrants», l’Assemblée appelle
les États membres à renforcer la sûreté et la sécurité des migrants, des
demandeurs d’asile et des réfugiés dans les pays d’Afrique du Nord
et du Moyen-Orient. En coopération avec le HCR et l’OIM, la traite
des êtres humains doit être éradiquée des camps.
9. Se référant à sa
Résolution
2299 (2019) «Politiques et pratiques en matière de renvoi
dans les États membres du Conseil de l'Europe» et à sa
Résolution 2228 (2018) «Conséquences
pour les droits de l'homme de la “dimension extérieure” de la politique
d'asile et de migration de l'Union européenne: loin des yeux, loin des
droits?», l'Assemblée rappelle la nécessité d’améliorer les mécanismes
de relocalisation et les obligations de réinstallation des États
membres afin de réduire la pression migratoire dans les pays du
Moyen-Orient et d'Afrique du Nord. L’Assemblée souligne le fait
que faciliter la réinstallation dans toute l’Europe est essentiel pour
un partage plus équitable de la charge et contribue à atténuer la
situation humanitaire inacceptable des migrants et des demandeurs
d’asile dans les pays frontaliers de l’Europe. L'Assemblée réaffirme
également que les États membres qui sont en première ligne devraient
également bénéficier d'un soutien et d'une solidarité accrus, compte
tenu de la charge qu'ils doivent assumer. En outre, l'Assemblée
note que la mise en place de voies légales de migration permet de
réduire le risque de refoulement en Méditerranée et de protéger la
vie et les droits des demandeurs d'asile.
10. Se félicitant des programmes de retour volontaire des demandeurs
d’asile déboutés et des migrants en situation irrégulière, gérés
par l’OIM, qui apportent une aide individuelle à la réintégration,
l’Assemblée appelle les États membres à prendre en compte l’assistance
humanitaire supplémentaire nécessaire dans ce contexte, tant pour
les pays d’origine que pour les pays d’accueil ou de transit de
la région.
11. Rappelant sa
Résolution
2214 (2018) «Besoins et droits humanitaires des personnes
déplacées dans leur propre pays en Europe», l’Assemblée souligne
le fait que la situation humanitaire des personnes déplacées en
Afrique du Nord et au Moyen-Orient requiert davantage d’attention
et de soutien. Une attention particulière devrait être accordée
aux personnes déplacées arbitrairement, dont la majorité, dans ces
régions, sont déplacées au sein de leur propre pays.
12. Consciente des difficultés supplémentaires causées par la
pandémie de covid-19, l’Assemblée rappelle sa
Résolution 2340 (2020) «Les conséquences
humanitaires de la pandémie de covid-19 pour les migrants et les
réfugiés». Les États membres ne devraient pas réduire leur aide
humanitaire aux migrants et aux réfugiés se trouvant dans d’autres
pays, en particulier en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ils
devraient essayer d’accroître l’aide humanitaire afin d’atteindre
les cibles associées aux Objectifs de développement durable des Nations
Unies. En outre, ils devraient faciliter les envois de fonds des
travailleurs migrants et de la diaspora qui contribuent à répondre
aux besoins humanitaires des bénéficiaires en Afrique du Nord et
au Moyen-Orient. Se référant à la
Résolution 2361 (2021) «Vaccins
contre la covid-19: considérations éthiques, juridiques et pratiques»,
l’Assemblée renouvelle son soutien au dispositif COVAX, codirigé
par l’Organisation mondiale de la santé, dont sont bénéficiaires
plusieurs pays de la région et qui vise à promouvoir un accès équitable
aux vaccins contre la covid-19 entre pays. Elle encourage l’ensemble
des États membres et du voisinage à rejoindre COVAX.
13. L’Assemblée note que la situation humanitaire diffère considérablement
d’un pays à l’autre en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, ce qui
nécessite d’apporter aux migrants et aux réfugiés une aide et une assistance
humanitaires plus ciblées. À cet égard, l’Assemblée recommande aux
États membres d’accorder une attention particulière aux situations
suivantes:
13.1 les pays de la rive
nord-africaine de la Méditerranée accueillent un grand nombre de
migrants subsahariens, dont beaucoup sont des travailleurs. Cependant,
sous l’effet de la pandémie de covid-19, la récession économique
a restreint les possibilités d’emploi existant pour les travailleurs
migrants se trouvant dans ces pays, ce qui crée des problèmes. Ces
pays sont également des centres de transit des migrations irrégulières
et du trafic de migrants vers l’Europe, et en particulier l’Union
européenne, y compris de leurs propres ressortissants. Pour faire
face à ces deux situations, une aide accrue est nécessaire tant
pour les migrants que pour les demandeurs d’asile. Des efforts supplémentaires
sont également nécessaires pour mettre en place et gérer, avec le
soutien du HCR, des systèmes d’asile efficaces dans un certain nombre
de ces pays. En outre, l’Union européenne a un rôle à jouer, par
le biais notamment d’accords bilatéraux conformes aux droits humains;
13.2 les pays du Moyen-Orient ont une longue tradition d’accueil
des travailleurs migrants de pays voisins. Du fait des conflits
armés survenus en Libye et en Syrie, le nombre de réfugiés et de
personnes déplacées dans leur propre pays a considérablement augmenté.
Bien que beaucoup soient rentrés dans leurs pays et foyer, la situation
générale de ces pays impose encore d’apporter un appui important
sur le plan humanitaire, compte tenu notamment des problèmes de
sécurité persistants et de la pandémie de covid-19;
13.3 le terrorisme a frappé de nombreux pays d’Afrique du Nord
et du Moyen-Orient, entraînant des risques pour la sécurité et des
difficultés supplémentaires pour les migrants et les réfugiés dans
la région, dont beaucoup ont été victimes du terrorisme. Si le terrorisme
rend l’action humanitaire de la communauté internationale dans ces
pays dangereuse et difficile, cela signifie également qu’une assistance
supplémentaire est nécessaire pour protéger l’ensemble de la population,
qu’il s’agisse des habitants, des migrants ou des réfugiés. Une
attention particulière devrait être accordée à ces besoins spécifiques
découlant des menaces du terrorisme dans les évaluations de la situation
humanitaire. L’Assemblée rappelle sa
Résolution 2321 (2020) «Obligations
internationales relatives au rapatriement des enfants des zones
de guerre et de conflits» et sa profonde préoccupation concernant
la situation inquiétante des enfants en Syrie et en Irak dont les
parents, considérés comme ayant fait allégeance à Daech, sont ressortissants
des États membres du Conseil de l’Europe. Comme en janvier 2020,
face à l’inaction, l’Assemblée appelle à rapatrier ces enfants dans
les meilleurs délais;
13.4 les pays qui ont des accords de réadmission pour les migrants
en situation irrégulière ont besoin d’un soutien supplémentaire
pour leur réintégration. Il en va de même pour les programmes de
retour volontaire des migrants et des demandeurs d’asile déboutés.
Les États membres devraient évaluer et apporter l’aide humanitaire
supplémentaire nécessaire à ces rapatriés ainsi qu’aux collectivités auxquelles
ils appartiennent.
14. L’Assemblée rappelle sa
Résolution
1524 (2006) «Nécessité d’une transparence accrue dans
le commerce de l’armement» afin d’atteindre «le niveau le plus élevé
possible (...) de responsabilité». L’Assemblée appelle les États
membres à lutter contre les trafics d’armes et à encadrer les ventes
d’armes qui ont durablement déstabilisé plusieurs pays du voisinage
sud de l’Europe.
15. L’Assemblée appelle les parlements des États membres à conférer
une dimension parlementaire à toutes les décisions concernant l’apport
d’assistance humanitaire aux migrants et aux réfugiés en Afrique
du Nord et au Moyen-Orient. La coopération interparlementaire au
sein de l’Assemblée pourrait également jouer un rôle important dans
ce contexte, en associant activement les partenaires pour la démocratie
ainsi que l’Union africaine à l’élaboration de politiques relatives
aux besoins humanitaires et aux droits humains des réfugiés et des
migrants. L’Assemblée appelle les parlements à renforcer la part
non affectée ou légèrement affectée des contributions nationales
aux organisations humanitaires ainsi que les plans de financement pluriannuels.
16. Se félicitant des travaux menés par le Centre Nord-Sud du
Conseil de l’Europe depuis de nombreuses années, l’Assemblée invite
les États membres à renforcer considérablement leur collaboration
avec le centre, y compris en ce qui concerne les besoins humanitaires
les plus urgents des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés
se trouvant en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
17. Rappelant que plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient
sont membres de la Commission européenne pour la démocratie par
le droit (Commission de Venise), l’Assemblée invite ces pays à réviser
leur législation nationale concernant les migrants, les demandeurs
d’asile et les réfugiés dans le respect des droits humains et des
normes internationales relatives aux réfugiés.