Concernant plus particulièrement l’Espagne, l’Assemblée reconnaît
que l’Espagne est une démocratie vivante, avec une culture de débats
publics libres et ouverts, et que la simple expression de points
de vue pro-indépendance ne donne pas lieu à des poursuites pénales.
L’Assemblée respecte pleinement l’ordre constitutionnel de l’Espagne.
Cependant, plusieurs hauts responsables politiques catalans ont
été poursuivis et finalement condamnés à de longues peines de prison
pour sédition et d’autres crimes, entre autres pour des déclarations
faites dans l’exercice de leur mandat politique en faveur du référendum
anticonstitutionnel sur l’indépendance de la Catalogne organisé
en octobre 2017 – sur la base des «lois de déconnexion» approuvées par
le parlement de Catalogne en septembre 2017 et déclarées anticonstitutionnelles
par la Cour constitutionnelle espagnole – et qui appelaient à participer
aux manifestations de grande envergure qui l’ont accompagné.
9.1 Les déclarations incriminées
incluent des discours publics en soutien au référendum anticonstitutionnel
d’octobre 2017 sur l’indépendance de la Catalogne et appelant à
participer à plusieurs manifestations, ainsi que des votes au sein
du parlement catalan exprimant le même soutien ou permettant l’inscription
à l’ordre du jour du parlement des débats à ce sujet. L’Assemblée
note que le référendum avait été déclaré anticonstitutionnel par
la Cour constitutionnelle espagnole qui avait aussi mis en garde
les hommes et femmes politiques en question contre l’organisation
du référendum.
9.2 Certains de ces responsables politiques ont été également
reconnus coupables de détournement de fonds publics et d’autres
ressources, notamment pour avoir autorisé l’utilisation des bâtiments
publics comme bureaux de vote.
9.3 L’Assemblée note que l’infraction d’organisation d’un
référendum illégal, passible de cinq ans d’emprisonnement, a été
abrogée par le législateur espagnol en 2005. Dans cette réforme
du Code pénal, le crime de sédition, passible d’une peine maximale
de quinze ans de prison et qui requiert un élément de violence («soulèvement
tumultueux»), est resté inchangé. Les organisateurs du référendum illégal
du 1er octobre 2017 ont été condamnés
pour sédition.
9.4 Il est incontestable qu’aucun des responsables politiques
en question n’a appelé à faire usage de la violence. Au contraire,
il est reconnu, y compris par le ministère public, que ces derniers
ont appelé les manifestants à s’abstenir de tout acte violent. En
effet, à plusieurs reprises, des centaines de milliers de manifestants
ont afflué sans qu’il y ait eu le moindre incident violent, grâce
aussi à la retenue dont ont fait preuve la plupart du temps les
forces de sécurité catalanes et espagnoles, qui avaient été déployées
en grand nombre.
9.5 L’Assemblée salue vivement le fait que les dispositions
pénales relatives à la rébellion et à la sédition ont fait l’objet
d’un vif débat dans les sphères politiques et juridiques en Espagne,
en particulier quant à la nécessité d’actualiser et de restreindre
la définition du crime de sédition. Ces dispositions ont été adoptées
en réponse aux fréquentes tentatives de prise de pouvoir par l’armée
dans le passé. Leur application aux organisateurs de manifestations
pacifiques a donc suscité des interrogations. De nouvelles interprétations
ont ainsi été nécessaires, comme celles de la notion de «violence
sans violence» élaborée par le ministère public, en vertu de laquelle
le nombre même des manifestants exerçait une pression psychologique
sur les policiers qui y étaient confrontés, ainsi que l’interprétation très
élargie du «soulèvement tumultueux», un élément exigé pour que l’infraction
de sédition soit constituée.
9.6 L’Assemblée constate en outre que, même après la condamnation
des responsables politiques catalans de premier rang impliqués dans
le référendum anticonstitutionnel de 2017, les autorités judiciaires
espagnoles ont poursuivi aussi les dirigeants catalans qui leur
avaient succédé et un certain nombre de fonctionnaires catalans
de rang inférieur impliqués dans les événements de 2017. Les autorités
espagnoles tentent toujours d’obtenir l’extradition de responsables
politiques catalans résidant dans d’autres pays européens, malgré
plusieurs échecs devant les tribunaux allemands, belges et britanniques.
Elle relève enfin, sur une note positive, que plusieurs poursuites
très médiatisées du chef de la police catalane et des membres de
la commission électorale catalane ont récemment pris fin à la suite
d’acquittements.
9.7 Selon certaines informations, les autorités espagnoles
ont subordonné l’application du régime carcéral plus souple habituellement
octroyé aux délinquants non violents ou l’examen d’un pardon à l’expression
par les détenus de regrets pour leurs actes et/ou un engagement
de ne pas commettre d’autres crimes, comme c’est le cas pour tous
les condamnés en droit espagnol. Les détenus en question estiment
qu’on ne saurait les contraindre à renier leurs convictions politiques
profondes.
9.8 Enfin, l’Assemblée respecte l’indépendance des tribunaux
espagnols appelés à résoudre les appels en cours, tout en reconnaissant
le droit de saisir la Cour européenne des droits de l’homme en temps
voulu.