C Exposé
des motifs par Mme Woldseth, rapporteuse
1 Introduction
1. Au cours de la campagne "Stop à la violence domestique
faite aux femmes" menée par le Conseil de l’Europe en 2006-2008
Note, l’Assemblée parlementaire a souligné
la nécessité de porter une attention particulière aux femmes immigrées
ou d’origine immigrée
Note.
Confrontées à la double discrimination à raison de leur sexe et
de leur appartenance ethnique
Note,
ces femmes qui subissent la violence au sein de leur famille doivent surmonter
des obstacles additionnels liés à la barrière de la langue, à leur
statut juridique et au contexte familial et culturel, qui rendent
l’accès aux dispositifs de protection et de réhabilitation plus
difficile.
2. Suite à la proposition de résolution déposée par Mme Memecan
et d’autres collègues
Note, la commission sur l’égalité des
chances pour les femmes et les hommes a été saisie pour préparer
un rapport sur Femmes immigrées: un risque accru de violence domestique
et m’a nommée rapporteuse le 12 septembre 2008. Dans le cadre de
la préparation du rapport, la commission a organisé un échange de
vues le 23 mars 2009 à Paris avec Mme Stéphanie Condon, Chargée
de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED, France)
et Olga Trostiansky, Présidente de la branche française du Lobby
européen des femmes.
3. Il convient de rappeler que la violence à l’égard des femmes,
et en particulier la violence domestique, est une violation grave
et répandue des droits de l’homme, qui touche tous les Etats membres
du Conseil de l’Europe, toutes les couches sociales, et n’est donc
pas une caractéristique propre aux communautés immigrées. Dans le
même temps, il faut reconnaître que les victimes issues des communautés
immigrées sont confrontées à des problèmes spécifiques. Cette situation
exige une approche particulière, qui prenne en compte le contexte
culturel des communautés immigrées. Ces difficultés spécifiques
– et peut-être le risque accru de violence domestique – concernent
un groupe hétérogène de femmes, dont les parcours migratoires et
les trajectoires individuelles peuvent varier
Note.
Je m’attacherai pour ma part à examiner la situation des femmes
primo-arrivantes, qui ne disposent pas de la nationalité du pays
d’accueil, sachant que les femmes d’origine immigrée (de la deuxième
ou troisième génération) peuvent également être confrontées à des difficultés
liées au contexte culturel ou social. La situation des femmes réfugiées
et des immigrées clandestines ne sera pas spécifiquement traitée
dans ce rapport.
4. On entend par violence à l’égard des femmes "tout acte de
violence fondé sur l’appartenance sexuelle, qui entraîne ou est
susceptible d’entraîner pour les femmes qui en sont la cible des
dommages ou des souffrances de nature physique, sexuelle ou psychologique,
y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte,
la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique
ou dans la vie privée"
Note.
Dans le contexte de la violence envers les femmes immigrées qui
constitue l’objet de ce rapport, la Recommandation Rec(2002)5 du
Conseil de l’Europe sur la protection des femmes contre la violence
définit de plus la violence domestique comme étant «la violence
perpétrée au sein de la famille ou du foyer, et notamment les agressions de
nature physique ou psychique, les abus de nature émotive et psychologique,
le viol et l’abus sexuel, le viol entre époux, partenaires habituels,
partenaires occasionnels ou cohabitants».
2 Reconnaître
les spécificités de la violence domestique au sein des communautés
immigrées pour mieux la combattre et la prévenir
5. La violence subie par les femmes au sein des communautés
immigrées est un phénomène encore mal appréhendé en Europe – et
qui est peut être instrumentalisé, dans un contexte migratoire tendu
en Europe. Certaines études empiriques ont été menées. Cependant,
comme cela a été souligné par Mme Condon
lors de l’échange de vues organisé par la commission sur l’égalité
de l’Assemblée à Paris le 23 mars 2009, le système de collecte des
données varie considérablement d’un pays à un autre: la définition
des «femmes immigrées» retenue pour les enquêtes nationales varie
par exemple de la simple «étrangère» (Espagne) à l’ensemble des migrantes
et descendantes (Allemagne). Aussi est-il pour l’heure impossible
de disposer de données comparées en Europe.
6. Il convient aussi de souligner que les femmes au sein de communautés
immigrées imprégnées de traditions patriarcales subissent quelquefois
des formes de violences domestiques, parce qu’elles sont des sœurs,
des filles ou des épouses. Certaines études tendent à montrer qu’il
existe ainsi un continuum de violences fondées sur le genre qui
s’exercent dans la sphère familiale ou dans le proche entourage.
Les enquêtes nationales peuvent, selon Mme Condon,
aider à contextualiser les formes de violences et les ressorts de
la violence fondée sur le genre, tenant compte l’environnement familial
et social ou la représentation des rapports entre les femmes et
les hommes.
7. Il est donc difficile d’affirmer que les femmes immigrées
subissent davantage de violence que les femmes issues des sociétés
d’accueil, ou moins. Je souhaiterais me limiter à mentionner quelques
chiffres:
7.1 En Espagne, où les
étrangers représentent 11,3 % de la population totale, 12,1 % des
femmes migrantes (contre 6 % des femmes espagnoles) indiquaient
en 2006 avoir été victimes de violence par leur (ex) conjoint au
moins une fois dans leur vie. 4,8 % des femmes étrangères (contre
2 % des Espagnoles) indiquaient avoir été victimes de leur (ex)
conjoint au cours de l’année écoulée. En 2008, les femmes étrangères
représentaient 44,3 % du nombre total des victimes recensées, alors
qu’elles ne représentaient que 22,9 % en 2004
Note.
7.2 Selon les informations transmises par les 50 centres de
crises de Norvège, 56% des femmes qui ont demandé de l’aide dans
ces centres en 2006 étaient d’une origine ethnique autre que norvégienne (contre
45% en 2003). Bien qu’un tiers de ces femmes étaient exposées à
des violences perpétrées par un conjoint norvégien, la majorité
avaient subi de la violence au sein de familles ayant une origine ethnique
autre que norvégienne
Note.
7.3 3 En Irlande, les femmes migrantes représentaient entre
23% et 33% des personnes ayant eu recours aux prestataires de services
sur la violence domestique en 2007
Note.
8. Ces chiffres témoignent des difficultés spécifiques rencontrées
par ces victimes, qui nécessitent des actions particulières. Celles-ci
doivent être initiées pour proposer des stratégies de protection
et de prévention adaptées au contexte culturel et une offre de services
accrue pour ces populations.
9. La barrière de la langue, les stéréotypes, le racisme, les
discriminations fondées sur le genre sont autant de difficultés
que rencontrent les femmes immigrées en Europe. Souvent, les primo-arrivantes
sont victimes de l’isolement social et de la pression de la famille.
Au manque d’autonomie sociale s’ajoute la question du statut juridique
de ces femmes. Dans beaucoup de pays d’origine, les codes de la
famille et les statuts personnels maintiennent les femmes dans une
situation inférieure. Dans le pays d’accueil, leur permis de séjour
et de résidence dépend souvent, durant une période probatoire, de
celui de leur conjoint lorsqu’elles sont arrivées par le biais du
regroupement familial. Porter plainte et/ou demander le divorce
pour des faits de violence équivaut dans ce cas à un retour très
probable vers le pays d’origine et/ou à un rejet par leur propre famille.
10. Cette situation fragilise de nombreuses femmes migrantes victimes
de violence domestique, qui souvent renoncent à porter plainte contre
un partenaire ou un conjoint violent. De plus, les services d’assistance
et de protection proposés par l’Etat sont aussi sous-utilisés par
les migrantes qui ne maîtrisent pas la langue, ou parce qu’elles
n’en connaissent pas l’existence, ou que le recours à des services
sociaux n’est pas une pratique culturelle habituelle
Note.
11. Il faut encore noter que les formes de violences à l’égard
des femmes constatées au sein des communautés immigrées en Europe
peuvent revêtir des formes extrêmes et singulières (crimes dits «d’honneur»,
immolations par le feu, mariages forcés, mutilations sexuelles féminines)
qui, au sein de ces communautés, se voient justifiées au nom de
"l’honneur", de pratiques ancestrales ou d’une culture patriarcale –
assortie d’un contrôle social des femmes – marqués. Ces formes extrêmes
font l’objet de travaux spécifiques de la commission sur l’égalité
des chances pour les femmes et les hommes
Note.
L’Assemblée s’est d’ailleurs prononcée à plusieurs reprises sur
ces sujets, notamment pour rejeter tout relativisme culturel ou
religieux qui amènerait les Etats à se soustraire à leur obligation
d’éliminer toute forme de violence contre les femmes
Note.
12. Je me réjouis que le Comité ad hoc pour prévenir et combattre
la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO)
Note ait reconnu que la situation des
femmes migrantes mérite une attention particulière lors de l’élaboration
d’une future convention du Conseil de l’Europe: les femmes immigrées relèvent
"des populations marginalisées, fragilisées ou encore de cultures
différentes", "une approche complète et coordonnée" est nécessaire
pour adapter "les différents domaines du droit (tels que le droit
pénal, le droit civil, le droit de la famille, le droit de l’immigration,
etc.)" et en "assurer l’efficacité". A ce titre, la future convention
"devra tenir compte de la particulière vulnérabilité de certaines
victimes, telles … les migrantes"
Note.
13. La violence perpétrée par les hommes à l’encontre de leur
conjointe ou partenaire peut aussi être exacerbée par le racisme,
les discriminations et le sentiment d’impuissance ou d’exclusion
sociale
Note. Aussi la lutte contre
la violence à l’égard des femmes au sein des communautés immigrées
est-elle étroitement liée aux politiques d’intégration des migrants,
mais aussi à une meilleure prise en compte de la dimension de genre dans
les politiques migratoires et de leurs effets sur les femmes et
les hommes.
3 Adopter des stratégies
nationales pour combattre et prévenir la violence domestique au
sein des communautés immigrées, mieux protéger les victimes et renforcer
leurs capacités
3.1 Consolider le statut
des femmes migrantes dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
14. Dans de nombreux travaux, l’Assemblée a appelé les
Etats membres du Conseil de l’Europe à agir avec diligence pour
combattre la violence à l’égard des femmes, et à rejeter tout relativisme
culturel qui pourrait être invoqué pour justifier des pratiques
contraires aux droits de la personne humaine. En matière de violence
à l’égard des femmes, il faut écarter toute interprétation culturelle
ou religieuse (fondée sur la charia’h par exemple)
qui pourrait être utilisée pour atténuer ou justifier des faits
de violence à l’égard des femmes au sein des communautés immigrées,
en particulier dans la sphère privée.
15. Dans sa
Résolution
1478 (2006) sur
L’intégration des femmes
immigrées en Europe, l’Assemblée parlementaire avait
souligné la nécessité de renforcer le statut des femmes migrantes
arrivées en Europe par le biais du regroupement familial. Elle avait
invité les Etats membres à "accorder un statut juridique à la femme immigrée,
arrivée au titre du regroupement familial, indépendant de celui
de son conjoint, si possible dans un délai n’excédant pas une année
suivant la date de son arrivée" (para. 7.1.1)
Note. Dans sa
Résolution 1617 (2008) sur
Situation de la démocratie
en Europe – Défis spécifiques des démocraties européennes: le cas
de la diversité et des migrations, l’Assemblée a à nouveau
appelé les Etats membres du Conseil de l’Europe à "envisager de
donner aux femmes immigrées un statut juridique indépendant de celui
de leur conjoint" (para. 17.1.5).
16. Certains Etats, comme la Suède, ont introduit des dispositifs
pour faciliter l’octroi d’un statut indépendant et d’un titre de
séjour autonome aux femmes migrantes victimes de violence domestique.
Le Royaume-Uni a défini en 2002 une procédure connue sous le terme
de "règle de violence domestique" ("
domestic
violence rule") permettant à une femme migrante victime
de violence domestique, et preuves à l’appui
Note, d’obtenir un titre de séjour autonome
Note.
La France a pour sa part modifié en 2007 le code de l’entrée et
du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ainsi, pour les conjointes
d’étrangers, "lorsque la communauté de vie a été rompue en raison
de violences conjugales qu’il a subies de la part de son conjoint,
l’autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de
séjour de l’étranger admis au séjour au titre du regroupement familial
et peut en accorder le renouvellement", le conjoint victime de violence
après son arrivée en France se voyant délivrer une carte de séjour
temporaire portant la mention "vie privée et familiale". Les femmes
étrangères peuvent donc désormais bénéficier d’une protection, "à
la condition d’une application préfectorale bienveillante de la
loi de 2007"
Note.
17. Cependant, compte tenu de la nature cachée de la violence
domestique, des difficultés – linguistiques, financières et quelquefois
administratives-, de l’ignorance de ces mesures ou des pressions
familiales si des démarches sont entreprises, ces mesures sont d’une
efficacité limitée. Aussi me semble-t-il indispensable d’octroyer
aux femmes migrantes, dans les meilleurs délais, un statut autonome
propre.
18. La prévention de la violence à l’égard des femmes dans les
communautés immigrées nécessite par ailleurs de consolider la place
et le rôle des femmes migrantes dans les sociétés du pays d’accueil,
par l’adoption de mesures visant à renforcer leurs capacités et
leur autonomie économique et sociale (alphabétisation, formation,
accès au marché du travail). L’implication des hommes au sein des
communautés immigrées s’avère, ici aussi, fondamentale pour réussir
les stratégies d’autonomisation des femmes et de lutte contre la
violence à l’égard des femmes
Note.
La lutte contre la violence domestique subie par les femmes immigrées
doit donc s’inscrire dans le cadre de politiques intégrées, globales
et coordonnées qui doivent non seulement protéger les victimes mais
aussi garantir leurs droits fondamentaux et promouvoir l’égalité
entre les femmes et les hommes (y compris au sein des communautés
immigrées), renforcer les capacités des femmes immigrées, promouvoir
leur accès à une vie indépendante et favoriser leur participation
à la vie publique et politique
Note.
3.2 Promouvoir l’adoption
de plans d’actions gouvernementaux spécifiques
19. Plusieurs Etats en Europe ont choisi d’adopter des
plans d’action nationaux qui se penchent spécifiquement sur la protection
des victimes de violences intrafamiliales dans les communautés immigrées.
19.1 En Norvège, le plan d’action
sur la violence domestique (2004-2007) a permis de financer le lancement
d’un projet pour permettre aux centres d’accueil et aux services
d’aide locaux d’acquérir les compétences et les connaissances relatives
aux besoins des femmes immigrées victimes de violences, assorti
d’un programme de formation des personnels concernés. Ces mesures
ont été complétées par un plan d’action de lutte contre les mariages
forcés (2008-2011)
Note.
19.2 En Allemagne, le plan d’action II sur la lutte contre
la violence à l’égard des femmes adopté en 2007 vise à améliorer
la protection des migrantes (en particulière issues de la Turquie
et des pays de l’Europe de l’Est), qui sont, selon les études menées,
davantage touchées par la violence domestique que les femmes allemandes.
Ces mesures incluent notamment une coopération avec les associations de
migrants, des programmes de sensibilisation et de tutorat ciblant
les femmes, des actions favorisant l’intégration des migrants hommes
et femmes et une action internationale pour promouvoir la lutte
contre les mariages forcés et le renforcement du rôle des femmes
Note.
19.3 La Belgique prévoit d’améliorer l’accessibilité des immigrées
au dispositif législatif belge sur les violences conjugales lors
de l’élaboration de son prochain Plan d’action national 2008-2011
Note.
19.4 En 2007, après l’adoption d’une Loi organique 1/2004 sur
les moyens de protection intégrale contre la violence de genre,
le gouvernement espagnol a adopté un plan de prise en charge et
de prévention de la violence de genre dans les population étrangères
immigrées (2009-2012) qui comporte cinq objectifs: l’information,
la formation des personnels concernés, la sensibilisation, une prise
en charge adaptée aux circonstances des femmes étrangères victimes
de violence de genre ainsi que le développement de moyens structurels
visant les réformes normatives et la coopération entre les organisations
de migrants et les organisations de femmes
Note.
19.5 Enfin, dans sa Déclaration finale, la Conférence du Conseil
de l’Europe des Ministres responsables des questions de migration
réunis à Kyiv les 4-5 septembre 2008 ont appelé le Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe à mettre en œuvre un plan d’action qui permettrait
de "continuer à élaborer des mesures pour promouvoir et protéger
les droits fondamentaux des migrants et des personnes issues de
l’immigration particulièrement vulnérables, en tenant compte de
leurs besoins spécifiques et des défis qu’il leur faut relever,
et notamment pour (…) développer des mesures de prévention et des
services d’accompagnement pour les migrants âgés et les femmes migrantes
isolées notamment pour éviter les situations de vulnérabilité et
d’abus"
Note.
4 Avec les communautés
immigrées et les pays d’origine, promouvoir la lutte contre la violence
à l’égard des femmes
4.1 Soutenir le travail
des organisations non gouvernementales
20. Comme cela a été mis en exergue lors de la campagne
du Conseil de l’Europe "Stop à la violence domestique faite aux
femmes" (2006-2008), les organisations non gouvernementales (ONG),
qui sont en contact directs avec les victimes, jouent un rôle très
important. Les services qu’elles proposent s’avèrent particulièrement
importants pour permettre aux femmes migrantes d’accéder à des lieux
de parole, de renforcer leurs capacités et, le cas échéant, de les
orienter vers des dispositifs de protection, d’assistance et de
réhabilitation
Note.
21. L’accès des femmes migrantes à des services de conseil et
d’assistance proposés par des structures laïques, fondées sur le
respect du principe de l’égalité entre les femmes et les hommes,
me semble ici primordial. L’action de ces ONG, qui s’adressent à
des publics spécifiques, ne saurait être considérée comme contraire
au principe de non discrimination, comme l’a rappelé récemment la
plus haute juridiction du Royaume-Uni
NoteNote.
22. De même, le recours à des structures parallèles, en particulier
les tribunaux religieux qui peuvent intervenir dans certaines matières
civiles (comme le mariage, le divorce, l’héritage), devrait être
ici écarté, même lorsque les solutions proposées par ces tribunaux
doivent être
in fine validée
par le juge national
Note: les pressions exercées
sur les femmes migrantes pour s’adresser à ces tribunaux (accessibles
dans la langue maternelle des migrants) en cas de problèmes au sein
de la famille est particulièrement forte. Mais les faits de violence
domestique relèvent aussi du droit pénal et doivent aboutir à la
sanction des auteurs de violence. Les remèdes proposés par ces "tribunaux"
s’appuient sur les principes religieux (et souvent discriminatoires
envers les femmes) et peuvent, à l’issue de la procédure de médiation,
dissuader les femmes de porter plainte – et d’avoir accès aux dispositifs
de protection et de réhabilitation adéquats.
4.2 Impliquer les personnes
relais au sein des communautés immigrées
23. Lors de l’audition sur la violence domestique sur
"Changer les mentalités: défis et opportunités" organisée à Istanbul
le 6 décembre 2007 par la commission sur l’égalité des chances pour
les femmes et les hommes
Note, le groupe de
medias Hürryiet (Turquie) a présenté sa campagne de sensibilisation
du grand public contre la violence à l’égard des femmes. Depuis
2005, Hürryiet cible spécifiquement la communauté immigrée turque
en Allemagne avec la publication de reportages dénonçant la violence
à l’égard des femmes turques. Une ligne téléphonique a été mise
en place pour permettre aux femmes turques ou d’origine turque d’être mises
en contact avec des conseillers et des travailleurs sociaux turcophones.
Cette initiative s’appuie sur un réseau de collaborateurs volontaires
Note.
24. Certains gouvernements ont élaboré des publications s’adressant
spécifiquement aux migrants. Dans son guide d’information sur l’égalité
entre les femmes et les hommes issus de l’immigration, le Ministère délégué
à la cohésion sociale et à la parité de la France établit la liste
les pratiques interdites en France et les types de violence que
peuvent subir les femmes issues de l’immigration, assortis d’informations
pratiques sur les lieux d’écoute et d’aide
Note. Le Ministère allemand a pour sa part édité
une publication intitulée
Tatort Familie («scène
du crime: la famille») diffusée également en langue turque, russe,
serbe et croate, et arabe.
4.3 Renforcer la coopération
avec les pays d’origine pour promouvoir les droits des femmes et la
lutte contre la violence à l’égard des femmes
25. La place accordée par les communautés immigrées à
la femme est étroitement liée avec le statut qui leur est accordé
par leur pays d’origine. A cet égard, il faut noter les avancées
législatives certaines qu’a pu noter notre commission. Citons par
exemple la Turquie (avec l’introduction de mesures fortes pour lutter
contre la violence à l’égard des femmes), l’Algérie (avec le lancement
d’une stratégie nationale contre la violence à l’égard des femmes
en mai 2007) ou l’Inde (adoption d’une loi contre la violence domestique).
26. Lors de sa visite d’information au Maroc en octobre 2008
Note, la Rapporteuse de l’Assemblée
Antigoni Papadopoulos (Chypre, ALDE) a également constaté qu’il
existe une réelle volonté politique de promouvoir le statut des
femmes et la lutte contre la violence à l’égard des femmes, relayée
par un tissu associatif particulièrement actif. Ces ONG interviennent
également auprès des femmes issues des communautés marocaines installées
en Europe. Pourtant, l’application de ces lois et leur acceptation
dans la société restent souvent insuffisantes. Ces avancées législatives
sont souvent ignorées dans les communautés immigrées.
27. Dans le cadre de leur programme de coopération et d’aide extérieure,
les Etats membres du Conseil de l’Europe et l’Union européenne peuvent
dès lors jouer un rôle essentiel pour renforcer les droits des femmes, promouvoir
l’égalité en droit civil et la lutte contre les violences faites
aux femmes dans les pays d’origine, sur la base des instruments
internationaux comme la Convention des Nations Unies sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. A cette
égard, j’estime que le Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe pourrait
jouer un rôle important pour favoriser la coopération entre pays
d’origine et de destination des migrants et pour définir des stratégies
transméditerranéennes de lutte contre la violence à l’égard des
femmes.
28. Par ailleurs, je note avec intérêt que le CAHVIO a lancé une
réflexion sur la "Coopération internationale appropriée à certains
types de violences"
Note. Il
serait en effet préjudiciable qu’une femme immigrée victime de violence
domestique et résidant habituellement dans un Etat membre du Conseil
de l’Europe ne puisse pas bénéficier de la protection de l’Etat,
du seul fait qu’elle ait été transférée, de gré ou de force, dans
un pays tiers. Je considère qu’il faut donc soutenir les travaux
du CAHVIO et envisager dans la future convention "des dispositions
destinées à faire en sorte que le fait que la victime se situe à
l’étranger ne constitue pas un obstacle à sa participation à la
procédure ainsi qu’à l’exercice de ses droits"
Note.
5 Recommandations
29. L’Assemblée parlementaire devrait rappeler que toute
forme de violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique,
est inacceptable et constitue une violation grave des droits de
la personne humaine. Aucun relativisme culturel ne saurait être
invoqué pour justifier des pratiques qui portent atteinte aux droits
fondamentaux des femmes immigrées et d’origine immigrée.
30. L’Assemblée devrait considérer qu’en raison des barrières
linguistiques ou administratives et du contexte culturel, en particulier
dans les communautés immigrées marquées par une forte culture patriarcale, les
femmes migrantes peuvent être exposées à un risque accru de violence
domestique.
31. L’Assemblée devrait par conséquent inviter les Etats membres:
31.1 à adopter des stratégies adaptées
pour combattre la violence domestique et garantir la protection des
victimes issues des communautés immigrées notamment:
- par l’octroi d’un statut juridique
propre aux femmes migrantes ayant rejoint leur conjoint par le biais
du regroupement familial, si possible dans un délai n’excédant pas
une année suivant la date de leur arrivée;
- par la collecte de statistiques ventilées par sexe et
par communauté permettant de mieux cerner la nature et l’ampleur
du phénomène pour adopter des stratégies adéquates;
- par une offre de services d’aide et de protection adaptés,
y compris un service d’interprétation pour les victimes;
31.2 à adopter des plans d’action ciblés tenant compte des
besoins spécifiques des femmes migrantes victimes de violence, y
compris la violence domestique;
31.3 à inscrire la lutte contre la violence domestique subie
par les femmes immigrées dans le cadre de politiques publiques intégrées
et coordonnées, visant le renforcement des capacités des femmes immigrées
et l’égalité entre les femmes et les hommes.
32. L’Assemblée devrait également inviter les Etats membres à
adopter des politiques actives de prévention de la violence à l’égard
des femmes au sein des communautés immigrées, notamment:
32.1 par un soutien accru aux organisations
non gouvernementales qui protègent, assistent et accompagnent les
victimes de violence domestique, dans le respect de l’égalité entre
les femmes et les hommes et la promotion des droits de la personne
humaine;
32.2 par la promotion de politiques actives d’intégration des
migrants et de lutte contre le racisme et la xénophobie;
32.3 par l’implication des hommes dans les stratégies de lutte
contre la violence à l’égard des femmes au sein des communautés
immigrées;
32.4 par une coopération renforcée avec les pays d’origine
des femmes migrantes visant à encourager ces Etats:
- à améliorer le statut des femmes
et renforcer leur position dans la société;
- à adopter des politiques de lutte contre la violence à
l’égard des femmes;
- à assurer l’application effective des dispositifs de prévention
et de lutte contre la violence à l’égard des femmes;
- à diffuser une information sur les avancées législatives
en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ciblant les
ressortissants nationaux, et en particulier les femmes, résidant
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.
33. L'Assemblée devrait par ailleurs inviter le comité ad hoc
chargé de rédiger une convention du Conseil de l'Europe sur la violence
domestique et la violence à l'égard des femmes (CAHVIO) à prendre
en compte les besoins spécifiques des femmes migrantes et d'inclure
dans la future convention des dispositions de coopération internationale
concernant la coopération judiciaire en matière pénale, la coopération
en matière de prévention de différentes formes de violence à l’égard
des femmes ainsi que la protection et l’assistance aux victimes.
***
Commission chargée du rapport: commission
sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes
Renvoi en commission: Doc. 11613, renvoi N° 3470 du 27 juin 2008
Projet de résolution et projet
de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission
le 23 juin 2009.
Membres de la commission:
Mme Pernille Frahm (Présidente),
M. José Mendes Bota (1ère
Vice-Président), Mme Ingrīda Circene (2ème
Vice-Présidente), Mme Anna Čurdová (3ème
Vice-Présidente), Mme Sonja Ablinger, M. Francis Agius, M. Florin Serghei Anghel, Mme Magdalina Anikashvili,
M. John Austin, M. Lokman Ayva, Mme Marieluise Beck, M. Ioannis Giannellis Theodosiadis, Mme Deborah
Bergamini, M. Laurent Béteille, Mme Oksana Bilozir,
Mme Rosa Delia Blanco Terán, Mme Olena Bondarenko,
M. Pedrag Bošković, M. Han Ten Broeke (remplaçant: M. Paul Lempens), Mme Anna Maria Carloni,
M. James Clappison (remplaçant: M. Tim Boswell),
Mme Diana Çuli, Mme Lydie Err, Mme Catherine Fautrier, Mme Mirjana
Ferić-Vac, Mme Sónia Fertuzinhos, Mme Doris Frommelt, Mme Alena Gajdůšková, M. Giuseppe Galati,
Mme Claude Greff, M. Attila Gruber, Mme Carina Hägg, Mme Fatme Ilyaz, Mme Francine John-Calame, Mme Nataša Jovanoviċ,
Mme Birgen Keleş, Mme Krista Kiuru, Mme Elvira Kovács, Mme Angela Leahu, M. Terry Leyden, Mme Mirjana Malić,Mme Assunta Meloni, Mme Nursuna Memecan, Mme Danguté Mikutiené,
M. Burkhardt Müller-Sönksen, Mme Hermine Naghdalyan, Mme Yuliya Novikova,
M. Mark Oaten, M. Kent Olsson,
Mme Steinunn Valdis Óskarsdóttir,
Mme Antigoni Papadopoulos,
M. Jaroslav Paška (remplaçante: Mme Tatiana Rosová),
Mme Mª del Carmen Quintanilla Barba,
M. Frédéric Reiss, Mme Mailis Reps, Mme Maria Pilar Riba Font, Mme Andreja Rihter, M. Nicolae Robu, Mme Jadwiga Rotnicka, Mme Marlene
Rupprecht, Mme Klára Sándor,
Mme Miet Smet, Mme Albertina Soliani, Mme Darinka Stantcheva, Mme Tineke
Strik, M. Michał Stuligrosz,
Mme Doris Stump, M. Mihal Tudose
(remplaçante: Mme Maria Stavrositu),
Mme Tatiana Volozhinskaya, M. Marek Wikiński,
M. Paul Wille, Mme Betty
Williams (remplaçante: Baronne Anita Gale),
M. Gert Winkelmeier, Mme Karin S. Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovski, M. Vladimir
Zhidkikh, Mme Anna Roudoula Zissi.
N.B.: Les noms des membres qui ont pris part à la réunion
sont imprimés en gras
Secrétariat de la commission: Mme Kleinsorge, Mme Affholder,
Mme Devaux