L’impact des restrictions imposées à l’occasion de la covid-19 sur l'espace et les activités de la société civile
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Texte
adopté par la Commission permanente, agissant au nom
de l’Assemblée, le 25 novembre 2022 (voir Doc. 15654, rapport de la commission des questions juridiques et
des droits de l'homme, rapporteure: Mme Margreet De Boer). Voir
également la Recommandation
2241 (2022).
2. Elle rappelle également les travaux qu'elle a menés en réponse
à la pandémie de covid-19 et les mesures prises pour combattre celle-ci,
en particulier la
Résolution
2329 (2020) «Enseignements à tirer pour l’avenir d’une
réponse efficace et fondée sur les droits à la pandémie de covid-19»,
la
Résolution 2337 (2020) et
la
Recommandation 2179
(2020) «Les démocraties face à la pandémie de covid-19»,
et la
Résolution 2338 (2020) «Les
conséquences de la pandémie de covid-19 sur les droits de l'homme
et l'État de droit».
3. L’Assemblée souligne que l’existence d’une société civile
dynamique est une composante essentielle d’une société ouverte et
démocratique, et contribue de manière fondamentale au développement
et à la réalisation de la démocratie, de l’État de droit et des
droits de l’homme. Il serait bon que les acteurs de la société civile,
notamment les organisations non gouvernementales (ONG) et les défenseurs
des droits de l’homme, puissent continuer à sensibiliser l’opinion
publique, à participer à la vie publique et à promouvoir la transparence
et l’obligation de rendre des comptes des pouvoirs publics malgré
la pandémie de covid-19.
4. L'Assemblée note que la pandémie de covid-19 et les mesures
restrictives adoptées pour l'endiguer, y compris celles qui ont
été prises dans le cadre de l'état d'urgence, notamment les interdictions
de voyager et autres restrictions imposées à la circulation, les
restrictions générales de réunion et de rassemblement, les mesures
répressives prises à l'encontre des manifestants, la surveillance
électronique ou les sanctions pénales visant l’expression d’idées
critiques sur la gestion de la pandémie, ont eu des effets significatifs
sur la situation de la société civile dans tous les États membres
du Conseil de l'Europe. D'autres mesures – notamment le refus ou
le retard d'enregistrement de nouvelles ONG, l'accès limité aux
bénéficiaires de leurs actions, la réduction des financements ou
la limitation des réunions des organes directeurs – ont également eu
une incidence directe et négative sur le fonctionnement des organisations
de la société civile.
5. Ainsi, l'exercice du droit à la liberté de réunion a été largement
restreint, et les droits à la liberté d'association, à la liberté
d'expression, à la liberté de circulation et le droit au respect
de la vie privée ont également subi une incidence négative. En outre,
de nombreuses personnes et acteurs de la société civile ont été
confrontés à des difficultés d'accès à l'information publique et
n'ont pas été consultés sur les modifications apportées aux lois,
politiques et pratiques en rapport avec la pandémie de covid-19.
6. L'Assemblée est préoccupée par les conséquences des mesures
restrictives adoptées par les États membres du Conseil de l'Europe
pendant la pandémie et souligne leurs effets néfastes sur le fonctionnement de
la société civile. Elle précise que, même si, conformément à la
Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5,
ci-après la «Convention»), la santé publique peut constituer un
but légitime permettant de restreindre les droits au respect de
la vie privée (article 8), à la liberté d’expression (article 10),
et à la liberté de réunion et d’association (article 11), toute
restriction des droits susmentionnés doit être «prévue par la loi», «nécessaire
dans une société démocratique» et proportionnée au but légitime
poursuivi. Il en va de même pour les mesures restreignant la liberté
de circulation (article 2 du Protocole no 4
à la Convention, STE no 46).
7. L'Assemblée s’inquiète également du fait que, dans certains
États membres du Conseil de l'Europe, la pandémie de covid-19 a
mis en évidence ou aggravé des problèmes qui existaient déjà auparavant
dans l’environnement dans lequel la société civile fonctionnait.
En outre, il existe un risque que les lois visant à lutter contre
la pandémie de covid-19 soient utilisées pour restreindre davantage
les droits et les libertés fondamentales des acteurs de la société
civile.
8. Malgré ces tendances négatives, l'Assemblée note avec satisfaction
que diverses bonnes pratiques sont également apparues au cours de
la pandémie de covid-19. De nombreux États membres du Conseil de l'Europe
ont pris des mesures pour atténuer les conséquences de la pandémie
en apportant un soutien financier et/ou autre, et en faisant preuve
d'une certaine souplesse à l’égard des exigences institutionnelles
et des obligations déclaratives, notamment en facilitant l’installation
de systèmes numériques. En outre, les ONG elles-mêmes se sont révélées
très flexibles et ont adapté leur propre environnement aux défis
posés par la covid-19, en particulier en accélérant le processus
de numérisation, en ajustant et en perfectionnant leurs méthodes
de travail, en coopérant avec d'autres parties prenantes et en constituant
des partenariats.
9. En conséquence, l’Assemblée appelle tous les États membres
du Conseil de l’Europe:
9.1 à se
conformer aux normes juridiques internationales relatives au fonctionnement
de la société civile, notamment pour les droits à la liberté de
réunion, d'association et d'expression;
9.2 à mettre pleinement en œuvre la Recommandation CM/Rec(2007)14
du Comité des Ministres sur le statut juridique des organisations
non gouvernementales en Europe, ainsi que sa Recommandation CM/Rec(2018)11
sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l’espace
dévolu à la société civile en Europe;
9.3 à exécuter pleinement et rapidement les arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme qui concernent les violations des
droits de l’homme et des libertés fondamentales des acteurs de la
société civile, ainsi que ceux relatifs aux mesures prises pour
lutter contre la pandémie de covid-19;
9.4 à éviter d'imposer des restrictions inutiles et disproportionnées
aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales des personnes
et des acteurs de la société civile sur la base des lois existantes visant
à lutter contre la pandémie de covid-19;
9.5 à abroger toute législation qui entrave la capacité des
acteurs de la société civile à travailler en toute liberté et indépendance,
et qui n'est plus justifiée par la pandémie de covid-19 ou tout
autre problème de santé publique;
9.6 à s’abstenir d’adopter de nouvelles lois qui se traduiraient
par des restrictions inutiles et disproportionnées des activités
des acteurs de la société civile; la pandémie de covid-19 ou toute
autre pandémie future ainsi que tout autre problème de santé publique
ne sauraient justifier l’imposition de telles restrictions;
9.7 à dispenser aux ONG des aides financières et autres suffisantes
afin de leur permettre de poursuivre leurs activités malgré l’incidence
négative des mesures liées à la covid-19, et à élaborer des stratégies
à long terme pour les soutenir;
9.8 à encourager les donateurs privés éventuels à leur fournir
un tel soutien;
9.9 à veiller à ce que les acteurs de la société civile soient
dûment consultés sur les lois, les politiques et les pratiques qui
les concernent, ainsi que sur d'autres sujets importants tels que
la gestion de la pandémie de covid-19; plus précisément, les États
membres de l'Union européenne devraient veiller à ce que la société
civile soit associée à l'adoption, à la mise en œuvre et au suivi
des plans nationaux de relance et de résilience;
9.10 à fournir un accès sans entrave aux informations et aux
documents publics;
9.11 à promouvoir et à soutenir l'utilisation d'outils de communication
en ligne avec la société civile et au sein de celle-ci; ces outils
devraient être disponibles à tout moment et pas seulement en cas
de crise de santé publique ou autre;
9.12 à garantir des conditions favorables à tous les acteurs
de la société civile, notamment en s'abstenant de tout harcèlement,
de toute campagne de dénigrement et de tout acte d'intimidation
à leur encontre.