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L’impact des restrictions imposées à l’occasion de la covid-19 sur l'espace et les activités de la société civile

Résolution 2471 (2022)

Auteur(s) :
Assemblée parlementaire
Origine
Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 25 novembre 2022 (voir Doc. 15654, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, rapporteure: Mme Margreet De Boer). Voir également la Recommandation 2241 (2022).
1. L'Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 2362 (2021) et sa Recommandation 2194 (2021) «Restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe», sa Résolution 2226 (2018) et sa Recommandation 2134 (2018) «Nouvelles restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe», sa Résolution 2096 (2016) et sa Recommandation 2086 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?», ses précédentes Résolutions 1660 (2009), 1891 (2012), 2095 (2016) et 2225 (2018) et les Recommandations 2085 (2016) et 2133 (2018) sur la situation des défenseurs des droits de l’homme dans les États membres du Conseil de l'Europe, ainsi que ses Résolutions 2300 (2019), 2060 (2015) et 1729 (2010) et Recommandations 2162 (2019), 2073 (2015) et 1916 (2010) sur la protection des «donneurs d'alerte».
2. Elle rappelle également les travaux qu'elle a menés en réponse à la pandémie de covid-19 et les mesures prises pour combattre celle-ci, en particulier la Résolution 2329 (2020) «Enseignements à tirer pour l’avenir d’une réponse efficace et fondée sur les droits à la pandémie de covid-19», la Résolution 2337 (2020) et la Recommandation 2179 (2020) «Les démocraties face à la pandémie de covid-19», et la Résolution 2338 (2020) «Les conséquences de la pandémie de covid-19 sur les droits de l'homme et l'État de droit».
3. L’Assemblée souligne que l’existence d’une société civile dynamique est une composante essentielle d’une société ouverte et démocratique, et contribue de manière fondamentale au développement et à la réalisation de la démocratie, de l’État de droit et des droits de l’homme. Il serait bon que les acteurs de la société civile, notamment les organisations non gouvernementales (ONG) et les défenseurs des droits de l’homme, puissent continuer à sensibiliser l’opinion publique, à participer à la vie publique et à promouvoir la transparence et l’obligation de rendre des comptes des pouvoirs publics malgré la pandémie de covid-19.
4. L'Assemblée note que la pandémie de covid-19 et les mesures restrictives adoptées pour l'endiguer, y compris celles qui ont été prises dans le cadre de l'état d'urgence, notamment les interdictions de voyager et autres restrictions imposées à la circulation, les restrictions générales de réunion et de rassemblement, les mesures répressives prises à l'encontre des manifestants, la surveillance électronique ou les sanctions pénales visant l’expression d’idées critiques sur la gestion de la pandémie, ont eu des effets significatifs sur la situation de la société civile dans tous les États membres du Conseil de l'Europe. D'autres mesures – notamment le refus ou le retard d'enregistrement de nouvelles ONG, l'accès limité aux bénéficiaires de leurs actions, la réduction des financements ou la limitation des réunions des organes directeurs – ont également eu une incidence directe et négative sur le fonctionnement des organisations de la société civile.
5. Ainsi, l'exercice du droit à la liberté de réunion a été largement restreint, et les droits à la liberté d'association, à la liberté d'expression, à la liberté de circulation et le droit au respect de la vie privée ont également subi une incidence négative. En outre, de nombreuses personnes et acteurs de la société civile ont été confrontés à des difficultés d'accès à l'information publique et n'ont pas été consultés sur les modifications apportées aux lois, politiques et pratiques en rapport avec la pandémie de covid-19.
6. L'Assemblée est préoccupée par les conséquences des mesures restrictives adoptées par les États membres du Conseil de l'Europe pendant la pandémie et souligne leurs effets néfastes sur le fonctionnement de la société civile. Elle précise que, même si, conformément à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, ci-après la «Convention»), la santé publique peut constituer un but légitime permettant de restreindre les droits au respect de la vie privée (article 8), à la liberté d’expression (article 10), et à la liberté de réunion et d’association (article 11), toute restriction des droits susmentionnés doit être «prévue par la loi», «nécessaire dans une société démocratique» et proportionnée au but légitime poursuivi. Il en va de même pour les mesures restreignant la liberté de circulation (article 2 du Protocole no 4 à la Convention, STE no 46).
7. L'Assemblée s’inquiète également du fait que, dans certains États membres du Conseil de l'Europe, la pandémie de covid-19 a mis en évidence ou aggravé des problèmes qui existaient déjà auparavant dans l’environnement dans lequel la société civile fonctionnait. En outre, il existe un risque que les lois visant à lutter contre la pandémie de covid-19 soient utilisées pour restreindre davantage les droits et les libertés fondamentales des acteurs de la société civile.
8. Malgré ces tendances négatives, l'Assemblée note avec satisfaction que diverses bonnes pratiques sont également apparues au cours de la pandémie de covid-19. De nombreux États membres du Conseil de l'Europe ont pris des mesures pour atténuer les conséquences de la pandémie en apportant un soutien financier et/ou autre, et en faisant preuve d'une certaine souplesse à l’égard des exigences institutionnelles et des obligations déclaratives, notamment en facilitant l’installation de systèmes numériques. En outre, les ONG elles-mêmes se sont révélées très flexibles et ont adapté leur propre environnement aux défis posés par la covid-19, en particulier en accélérant le processus de numérisation, en ajustant et en perfectionnant leurs méthodes de travail, en coopérant avec d'autres parties prenantes et en constituant des partenariats.
9. En conséquence, l’Assemblée appelle tous les États membres du Conseil de l’Europe:
9.1 à se conformer aux normes juridiques internationales relatives au fonctionnement de la société civile, notamment pour les droits à la liberté de réunion, d'association et d'expression;
9.2 à mettre pleinement en œuvre la Recommandation CM/Rec(2007)14 du Comité des Ministres sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe, ainsi que sa Recommandation CM/Rec(2018)11 sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion de l’espace dévolu à la société civile en Europe;
9.3 à exécuter pleinement et rapidement les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme qui concernent les violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales des acteurs de la société civile, ainsi que ceux relatifs aux mesures prises pour lutter contre la pandémie de covid-19;
9.4 à éviter d'imposer des restrictions inutiles et disproportionnées aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales des personnes et des acteurs de la société civile sur la base des lois existantes visant à lutter contre la pandémie de covid-19;
9.5 à abroger toute législation qui entrave la capacité des acteurs de la société civile à travailler en toute liberté et indépendance, et qui n'est plus justifiée par la pandémie de covid-19 ou tout autre problème de santé publique;
9.6 à s’abstenir d’adopter de nouvelles lois qui se traduiraient par des restrictions inutiles et disproportionnées des activités des acteurs de la société civile; la pandémie de covid-19 ou toute autre pandémie future ainsi que tout autre problème de santé publique ne sauraient justifier l’imposition de telles restrictions;
9.7 à dispenser aux ONG des aides financières et autres suffisantes afin de leur permettre de poursuivre leurs activités malgré l’incidence négative des mesures liées à la covid-19, et à élaborer des stratégies à long terme pour les soutenir;
9.8 à encourager les donateurs privés éventuels à leur fournir un tel soutien;
9.9 à veiller à ce que les acteurs de la société civile soient dûment consultés sur les lois, les politiques et les pratiques qui les concernent, ainsi que sur d'autres sujets importants tels que la gestion de la pandémie de covid-19; plus précisément, les États membres de l'Union européenne devraient veiller à ce que la société civile soit associée à l'adoption, à la mise en œuvre et au suivi des plans nationaux de relance et de résilience;
9.10 à fournir un accès sans entrave aux informations et aux documents publics;
9.11 à promouvoir et à soutenir l'utilisation d'outils de communication en ligne avec la société civile et au sein de celle-ci; ces outils devraient être disponibles à tout moment et pas seulement en cas de crise de santé publique ou autre;
9.12 à garantir des conditions favorables à tous les acteurs de la société civile, notamment en s'abstenant de tout harcèlement, de toute campagne de dénigrement et de tout acte d'intimidation à leur encontre.