B Exposé des motifs
par M. Piero Fassino, rapporteur
1 Introduction
1. La procédure de suivi de l’Assemblée
parlementaire s’appuie sur la
Résolution
1115 (1997) sur la création d’une commission de l’Assemblée pour
le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil
de l’Europe (commission de suivi), telle que modifiée par les Résolutions
1431(2005),
1515 (2006),
1698 (2009),
1710 (2010),
1936 (2013),
2018 (2014),
2261 (2019),
2325 (2020),
2357 (2021) et
2428 (2022). La
Résolution
1115 (1997) définit le mandat de la commission de suivi et précise
qu’elle «est chargée de veiller au respect des obligations contractées
par les États membres aux termes du Statut du Conseil de l’Europe,
de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et
de toutes les autres conventions de l’Organisation auxquelles ils
sont parties, ainsi qu’au respect des engagements pris par les autorités
des États membres lors de leur adhésion au Conseil de l’Europe».
2. Aux termes du paragraphe 14 de la Résolution 1115 (1997) telle
qu’amendée, la commission de suivi est tenue de rendre compte à
l’Assemblée, une fois par an, de l’évolution générale des procédures
de suivi. En accord avec la pratique établie, la commission m’a
chargé, en ma qualité de président, de faire rapport sur ses activités
sur la période allant de janvier à décembre 2022.
3. Conformément à son mandat, la commission de suivi veille au
respect par tous les États membres des obligations découlant de
leur adhésion au Conseil de l’Europe et, s’il en est, des engagements
spécifiques qu’ils ont contractés. Actuellement, onze pays sont
soumis à une procédure de suivi complète (l’Albanie, l’Arménie,
l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la Hongrie, la
République de Moldova, la Pologne, la Serbie, la Türkiye et l’Ukraine).
4. À la suite de la décision du Comité des Ministres adoptée
le 16 mars 2022 d’exclure la Fédération de Russie du Conseil de
l’Europe avec effet immédiat, en réaction à l’agression russe contre
l’Ukraine, le pays ne relève plus du mandat de la commission de
suivi dont la compétence ne porte que sur les États membres du Conseil
de l’Europe.
5. Faisant suite à la décision de l’Assemblée du 26 octobre 2022,
une procédure de suivi complète a été ouverte à l’égard de la Hongrie
en raison «des questions de longue date relatives à l’État de droit
et à la démocratie largement laissées sans réponse par les autorités».
6. Trois pays sont actuellement engagés dans un dialogue postsuivi
(la Bulgarie, le Monténégro et la Macédoine du Nord), qui concerne
les États qui ont progressé et peuvent, à l’issue du suivi complet,
accéder à cette procédure. C’est une procédure moins intensive qui
porte sur un nombre limité de questions en suspens. Selon le Règlement,
un deuxième rapport de postsuivi doit permettre de déterminer s’il
est envisageable de mettre fin au suivi parlementaire à l’égard
du pays concerné ou s’il convient de soumettre à nouveau ce dernier
à une procédure de suivi complète.
7. Par ailleurs, conformément à son mandat, la commission de
suivi est chargée d’assurer et d’évaluer le respect des obligations
contractées par tous les États membres, y compris ceux qui ne font
l’objet d’aucune des deux procédures de suivi susmentionnées, aux
termes du statut du Conseil de l’Europe, de la Convention européenne
des droits de l’homme et de toutes les autres conventions conclues
au sein de l’Organisation auxquelles ils sont parties. En vertu
de la Résolution 2261 (2019), depuis 2019, la commission de suivi
choisit les pays à soumettre à un examen périodique conformément
à ses méthodes de travail internes, en opérant des choix motivés
par des raisons de fond, tout en maintenant l’objectif de consacrer,
au fil du temps, des examens périodiques à tous les États membres.
Les rapports relatifs à trois pays sélectionnés lors du premier cycle
(la Hongrie, la Roumanie et Malte) ont été présentés devant l’Assemblée
et examinés en 2022. Ceux concernant les trois autres pays choisis
en 2021 (les Pays-Bas, Saint-Marin et la France) sont en cours d’élaboration
et devraient être soumis à l’Assemblée en 2023.
8. La commission de suivi possède en outre une sous-commission
sur les conflits concernant les États membres du Conseil de l’Europe,
conformément à l’article 49 du Règlement de l’Assemblée et à la
décision révisée de la commission du 24 mai 2022 (voir annexe),
qui définit son mandat comme couvrant une «situation dans laquelle
il est mis fin à un conflit armé actif, sans qu’un traité de paix
ou un autre cadre politique ne règle le conflit à la satisfaction
des belligérants. D’où la possibilité, au plan légal, d’une reprise
du conflit à tout moment et, dès lors, la création d’un climat d’insécurité
et d’instabilité».
9. Les commentaires par pays présentés ci-dessous ont été élaborés
sur la base des rapports, notes et déclarations des rapporteurs,
ainsi que des débats de la commission de suivi (auxquels participent
des représentants de la majorité au pouvoir et de l’opposition des
pays concernés, conformément à l’article 10 de la
Résolution
1115 (1997)), et des constats d’autres mécanismes de suivi du Conseil
de l’Europe. Tous ces documents ont été communiqués aux rapporteurs
respectifs avant d’être publiés et je me suis efforcé, dans la mesure
du possible, d’intégrer leurs commentaires, le cas échéant.
2 Aperçu des activités de la commission
2.1 Observations
générales
10. La situation sanitaire s’étant
nettement améliorée en Europe, les rapporteurs chargés du suivi
ont été en mesure de reprendre pleinement leurs activités qui avaient
été considérablement entravées pendant la pandémie. La nature spécifique
du mandat de la commission de suivi suppose des rapporteurs qu’ils
se rendent dans le pays dans le cadre de l’élaboration de chaque
rapport. À cet égard, la commission part du principe que des réunions
en ligne ne sauraient remplacer le dialogue politique direct avec
les autorités, de sorte que les restrictions en matière de déplacement
ont grandement pesé sur le travail des rapporteurs.
11. Au cours de la période considérée, les rapporteurs ont effectué
un certain nombre de visites dans les pays placés sous leur responsabilité
respective, notamment deux en Türkiye, et une en République de Moldova,
ainsi qu’en Hongrie, en Albanie, en France (réunions avec la société
civile), au Monténégro, en Roumanie et à Saint-Marin.
12. Dans le même temps, toutefois, les bonnes pratiques mises
en place pendant la pandémie ont été maintenues et les contacts
en ligne établis entre les rapporteurs et les différentes parties
prenantes, en particulier les représentants de la société civile
des pays concernés, sont désormais une méthode de travail courante.
S’ils ne peuvent se substituer au dialogue politique direct avec
les autorités, ils permettent néanmoins aux rapporteurs d’approfondir
leurs connaissances.
13. À l’initiative de certains rapporteurs, plusieurs auditions
et échanges de vues ont eu lieu dans le cadre des réunions de la
commission, notamment sur la Hongrie, la France, les Pays-Bas, la
Serbie, l’Ukraine, la Bosnie-Herzégovine et la Türkiye. La commission
a également tenu une audition concernant les développements intervenus
récemment en Espagne, ainsi que sur les procédures de suivi au sein
du Conseil de l’Europe.
14. En 2022, la commission de suivi s’est réunie lors des quatre
parties de session ainsi qu’à cinq reprises en dehors des sessions
parlementaires. À la suite de la condamnation de M. Osman Kavala
à une peine de réclusion à perpétuité aggravée, la commission de
suivi a décidé de reporter sa réunion à Ankara prévue en mai et
de la remplacer par une réunion à Paris.
15. Au cours de la période considérée, la commission de suivi
a soumis à l’Assemblée sept rapports spécifiques à des pays: «Contestation
pour des raisons substantielles des pouvoirs non encore ratifiés
de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie»; «Le
fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie»; «Respect
des obligations et engagements de la Géorgie»; «Le respect par Malte
des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe»;
«Le respect des obligations et engagements de la Türkiye»; «Le respect
des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe de
la Hongrie» et «Le respect des obligations découlant de l’adhésion
au Conseil de l’Europe de la Roumanie».
16. Le rapport relatif au respect des obligations et engagements
de la République de Moldova a été adopté par la commission le 14 décembre
et devrait être examiné par l’Assemblée en janvier, lors de la première
partie de session 2023.
17. L’avant-projet de rapport sur «Le respect par Saint-Marin
des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe»
a été approuvé par la commission et transmis aux autorités concernées
en vue de la tenue d’un débat à l’Assemblée au cours de la deuxième
partie de session d’avril 2023.
18. Au cours de la même période, la commission a examiné et déclassifié
les notes d’information sur la procédure de suivi parlementaire
concernant la Fédération de Russie, ainsi que sur le respect des
obligations et engagements de l’Albanie et de la Bosnie-Herzégovine.
19. Les rapporteurs sur l’Albanie, l’Arménie, la Hongrie, la République
de Moldova, le Monténégro, la Roumanie, Saint-Marin, la Serbie et
la Türkiye ont fait des déclarations concernant l’évolution de la
situation dans les pays sous leur responsabilité.
20. Compte tenu des évènements qui se sont produits en Arménie
à la frontière avec l’Azerbaïdjan, la commission a proposé de tenir
un débat d’actualité lors de la quatrième partie de session de l’Assemblée,
en octobre 2022. En conclusion, l’Assemblée a chargé la commission
de suivi de continuer à suivre la situation.
21. Comme les années précédentes, l’excellente coopération avec
la Commission de Venise s’est poursuivie tout au long de la période
considérée. Des échanges de vues ont eu lieu avec la présidente
de la Commission de Venise et sa secrétaire. La commission a sollicité
l’avis de la Commission de Venise sur le projet de loi relatif au
démantèlement de la section d’enquête sur les infractions pénales
au sein du système judiciaire en Roumanie, ainsi qu’au sujet de
trois projets de lois relatifs à la justice: sur le statut des magistrats, sur
l’organisation du pouvoir judiciaire et sur le Conseil supérieur
de la magistrature en Roumanie; mais aussi sur les projets d’amendements
au Code pénal turc concernant la disposition sur les «informations
fausses ou trompeuses»; sur les modifications de la législation
électorale turque; sur la loi sur les médias en Azerbaïdjan; et
sur les amendements de décembre 2021 portant sur la loi organique
sur les tribunaux de droit commun de Géorgie.
22. La sous-commission sur les conflits concernant les États membres
du Conseil de l’Europe a tenu deux auditions. La première était
consacrée aux développements récents relatifs au processus de règlement
du conflit transnistrien, à laquelle ont participé M. Oleg Serebrian,
Vice-Premier ministre chargé de la réintégration de la République
de Moldova, et M. Claus Neukirch, chef de la mission de l’Organisation
pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Chisinau.
À cette occasion, la sous-commission a réitéré son intention d’organiser
un séminaire sur la contribution du Conseil de l’Europe à la promotion
des droits humains dans la région transnistrienne de la République
de Moldova, avec la participation des autorités moldaves et des autorités de facto de Tiraspol. La deuxième
audition a porté sur les développements récents intervenus dans les
régions géorgiennes d’Abkhazie et de Tskhinvali/Ossétie du Sud et
sur l’état d’avancement des discussions internationales de Genève,
avec la participation de M. Lasha Darsalia, premier Vice-ministre
des Affaires étrangères de Géorgie.
2.2 Pays
faisant l’objet d’une procédure de suivi complète
2.2.1 Albanie
23. Les corapporteurs, M. Joseph O`Reilly
(Irlande, PPE/DC) et M. Asim Mollazada (Azerbaïdjan, CE/AD), ont
effectué une visite d’information en Albanie du 29 juin au 1e juillet 2022.
Ils ont présenté à la commission une note d’information qui a été
examinée et déclassifiée le 10 octobre 2022.
24. Après les élections législatives qui ont eu lieu le 25 avril 2021,
les principaux partis d’opposition en Albanie ont réintégré le Parlement
albanais et participent désormais pleinement à ses travaux. Il s’agit
là d’une évolution très positive car, comme l’ont souligné à maintes
reprises la commission et l’Assemblée, le retour de l’ensemble des
partis et forces politiques au parlement, qui est l’espace constitutionnel
approprié pour l’interaction politique, est une condition préalable
essentielle pour résoudre la crise politique systémique que traverse
le pays.
25. Malheureusement, les événements au sein du principal parti
d’opposition, le Parti démocratique, semblent avoir donné lieu à
une scission entre les structures du parti, notamment entre les
membres du groupe parlementaire dirigé par l’ancien Président albanais
et chef du parti, M. Berisha, et ceux restés fidèles à l’ancien
chef de la formation, M. Basha. Comme l’ont souligné les rapporteurs,
il est important que la crise interne et la fracture au sein du
Parti démocratique ne conduisent pas à une nouvelle cassure entre
le groupe parlementaire et la structure du principal parti d’opposition,
au risque sinon d’aggraver la crise politique dans le pays et d’anéantir
les progrès réalisés dans ce domaine à la suite des élections législatives
tenues l’an passé.
26. Le mandat du Président Meta a pris fin le 24 juillet 2022.
Le Président albanais est élu par le parlement à la majorité des
trois cinquièmes de l’ensemble de ses membres. Toutefois, si aucun
candidat ne parvient à recueillir une telle majorité au cours des
trois premiers tours de scrutin, la majorité requise pour élire
le Président sera abaissée à la majorité absolue de 50 % des suffrages
exprimés plus un, lors des tours de scrutin suivants.
27. Le premier tour de l’élection présidentielle a eu lieu le
16 mai 2022. Malheureusement, aucune démarche sérieuse n’a été entreprise
pour trouver un candidat de compromis qui fasse l’objet d’un consensus entre
la majorité et l’opposition et aucun candidat n’a été proposé lors
des trois premiers tours. Le Parti socialiste a fini par proposer
au quatrième tour la candidature du général de division Bajram Begaj,
qui était jusqu’alors le chef d’état-major général des forces armées
albanaises. M. Begaj a été élu par 78 voix pour, quatre contre et
une abstention, malgré le boycott de la majeure partie de l’opposition.
28. Il est regrettable que la majorité au pouvoir et l’opposition
ne soient pas parvenues à s’accorder sur un candidat de consensus.
L’exigence de la majorité des trois cinquièmes a été inscrite dans
la Constitution afin d’assurer au Président un large soutien de
la part de l’ensemble des forces politiques et, partant, la possibilité de
s’imposer. Le recours délibéré au mécanisme antiblocage sans même
essayer de trouver un candidat de compromis pour les trois premiers
tours de scrutin est manifestement contraire à l’esprit de la Constitution
et met en évidence le niveau de polarisation de l’environnement
politique.
29. Le processus de vérification de l’intégrité de tous les juges
et procureurs albanais, sous supervision internationale, se poursuit
sans relâche. Avancée positive, le 10 février 2022, le Parlement
albanais a adopté des amendements à la Constitution prolongeant
jusqu’au 31 décembre 2024 le mandat de la Commission indépendante
des qualifications qui procède au contrôle, ainsi que celui des
commissaires publics, qui représentent l’intérêt public dans le
processus de vérification. Cette prolongation devrait permettre
à la Commission indépendante des qualifications de finaliser la
procédure concernant les 250 postes restants. Le nombre considérable
de révocations et de démissions de juges et de procureurs, y compris
ceux qui occupent des fonctions très importantes, met en évidence
la rigueur du processus de vérification mais aussi sa nécessité indéniable
pour le pouvoir judiciaire en Albanie. Cela étant, il est arrivé
que ce contrôle nuise à l’efficacité de la justice dans le pays.
Fort heureusement, le quorum de six juges requis pour la Cour constitutionnelle
a été atteint à la fin de l’année 2020. De même, la Haute Cour n’est
devenue opérationnelle qu’en juillet 2021, après la nomination de
six nouveaux juges.
30. La nouvelle carte judiciaire, actuellement en cours d’élaboration,
constitue une réforme essentielle du pouvoir judiciaire. Elle permettra
de réduire le nombre de tribunaux, notamment les juridictions d’appel
et administratives. L’un des principaux objectifs de cette réforme
est de veiller à une utilisation efficace des ressources qui ont
considérablement diminué, en raison notamment du processus de vérification
de l’intégrité. Cependant, la carte proposée suscite certaines controverses
par crainte qu’elle n’éloigne davantage le système judiciaire des
citoyens albanais, au risque d’ébranler la confiance du public dans
la justice proprement dite. Ce point est certes préoccupant, mais
il convient également de noter qu’à l’heure actuelle, de nombreux tribunaux
fonctionnent en sous-effectif et ont du mal à apurer l’arriéré d’affaires,
ce qui limite également l’accès des citoyens à la justice.
31. La lutte contre la corruption et la criminalité organisée
reste une priorité pour le pays. La Structure spécialisée de lutte
contre la corruption et la criminalité organisée (SPAK), qui comprend
le Bureau du procureur spécial et le Bureau national d’enquêtes,
est désormais pleinement opérationnelle. La SPAK a engagé un certain
nombre d’actions à l’encontre de fonctionnaires pour des faits de
corruption, mais elles restent relativement rares, compte tenu notamment
de la corruption généralisée évidente, mise en lumière par les résultats
du processus de vérification. Malheureusement, le nombre de condamnations
de hauts fonctionnaires accusés de corruption demeure très faible,
créant ainsi un sentiment d’impunité. Il convient de s’attaquer
à ce problème en priorité.
32. Le paysage médiatique albanais a hélas continué à se détériorer.
Cette dégradation est extrêmement préoccupante car un environnement
médiatique libre et pluraliste est une condition essentielle au
bon fonctionnement d’une démocratie. Selon le Classement mondial
de la liberté de la presse 2022 établi par Reporter sans frontières
et publié le 3 mai 2022, l’Albanie a perdu 20 places par rapport
à 2021 et se situe désormais au 103e rang
sur 180 pays (1 étant la meilleure place). D’après ce rapport, la
liberté de la presse est menacée par une régulation des médias entachée
de partisanerie et l’intégrité physique des journalistes est menacée
par le manque de protection contre les violences exercées par des
membres du crime organisé et des forces de l’ordre. La proposition
dudit « dispositif antidiffamation » a suscité des inquiétudes à
cet égard. Bien que ce projet ait été retiré par les autorités à
la suite de l’avis très négatif rendu par la Commission de Venise,
il n’a jamais été officiellement rayé de l’ordre du jour du parlement,
restant ainsi une source de préoccupation pour les médias albanais.
Les autorités ont fait savoir que le retrait formel de ce dispositif
du calendrier parlementaire interviendrait sous peu, ce qui, une
fois effectif, pourrait permettre d’améliorer l’environnement médiatique
dans le pays.
33. L’incrimination de la diffamation, même si elle n’est plus
passible d’une peine d’emprisonnement, et le recours accru aux poursuites
stratégiques contre la mobilisation publique ou SLAPP ont un effet
dissuasif et constituent de sérieux motifs de préoccupation. Il
est instamment demandé aux autorités albanaises de dépénaliser totalement
la diffamation et d’adopter une législation permettant de lutter
contre l’utilisation abusive des poursuites-bâillons visant à museler
les voix critiques.
34. Le 18 septembre 2021, le Gouvernement albanais a établi l’Agence
des médias et de l’information. Sa mise en place et la centralisation
des informations ont suscité de vives inquiétudes parmi un large
éventail d’acteurs nationaux et internationaux qui assimilent cette
instance à un ministère de la propagande de
facto, ayant pour but de renforcer le contrôle des autorités
sur les médias au détriment de la liberté des médias. À ces craintes
s’ajoute l’inquiétante interdiction faite à certains journalistes
par le Premier ministre Rama de participer pendant de longues périodes
aux conférences de presse du gouvernement, après avoir posé des questions
qui ne lui convenaient pas. Les autorités sont priées de répondre
en priorité aux préoccupations relatives à l’environnement des médias,
afin de garantir un paysage médiatique véritablement libre et pluraliste dans
le pays.
2.2.2 Arménie
35. Au cours de la partie de session
de janvier, l’Assemblée a examiné un rapport et adopté la
Résolution 2427 (2022) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Arménie. Elle a reconnu des progrès notables en matière de développement
démocratique et défini des priorités pour le pays, à savoir notamment la
réforme du cadre électoral, la promotion de la culture démocratique,
la poursuite de la réforme du pouvoir judiciaire et le renforcement
de la liberté des médias.
36. Au cours de la période considérée, la majeure partie du débat
politique et l’attention des médias se sont concentrés sur le conflit
avec l’Azerbaïdjan, perçu comme une menace existentielle, ainsi
que sur les conséquences de l’agression russe contre l’Ukraine.
L’Arménie a accueilli des dizaines de milliers de ressortissants
russes qui ont fui leur pays après le déclenchement de la guerre,
puis après l’annonce de mobilisation partielle. Cet afflux massif
de professionnels, pour la plupart qualifiés, pourrait avoir à long
terme des effets bénéfiques sur l’économie arménienne, bien qu’il
ait entraîné une hausse brutale des coûts du logement à Erevan.
37. Le 24 mars, des membres des forces armées azerbaïdjanaises
ont franchi la ligne de cessez-le-feu et sont entrés dans une partie
du territoire placée sous contrôle de soldats russes de maintien
de la paix dans le Haut-Karabakh, suscitant la colère et l’inquiétude
de la population arménienne quant au sort des habitants. Les autorités
arméniennes ont dénoncé les pressions exercées sur la population
arménienne du Haut-Karabakh en vue de l’expulser du territoire,
évoquant le risque de campagne de nettoyage ethnique.
38. Le 13 avril, le Premier ministre Pachinian a annoncé que le
Gouvernement arménien était prêt à engager le processus de conclusion
d’un traité de paix avec l’Azerbaïdjan pour mettre fin au conflit
qui dure depuis plus de 30 ans. Certains membres de l’opposition
ont appelé à rejeter tout accord avec l’Azerbaïdjan qui ferait perdre
à l’Arménie le contrôle du Haut-Karabakh et ont réclamé la démission
du gouvernement, déclenchant ainsi une longue série de manifestations.
Pendant plusieurs semaines, l’une des principales places d’Erevan
a été occupée et des manifestations organisées sur la voie publique
ont bloqué la circulation dans la ville. Un usage excessif de la
force par la police et des arrestations administratives massives
de manifestants ont été signalés à plusieurs reprises. Les corapporteurs,
M. Kimmo Kiljunen (Finlande, SOC) et Mme Boriana Åberg (Suède, PPE/DC),
ont suivi de très près l’évolution de la situation concernant le
défenseur des droits humains de la République d’Arménie. Dans ce
contexte, tant les manifestants que les membres de la majorité ont
fréquemment tenu des propos incendiaires et clivants.
39. En septembre, de violentes hostilités ont éclaté alors même
que les discussions relatives à la conclusion d’un traité de paix
et à un règlement de la crise frontalière semblaient progresser.
L’Azerbaïdjan a bombardé le territoire arménien, frappant des infrastructures
civiles et occupant plusieurs localités. Plus de 200 militaires arméniens
et 80 soldats azerbaïdjanais ont perdu la vie, 7 600 civils ont
été déplacés et 20 soldats arméniens ont été faits prisonniers.
Des informations faisant état de crimes de guerre et de traitements
inhumains présumés perpétrés par les forces armées azerbaïdjanaises
ont été portées à la connaissance des corapporteurs et du président
de la commission de suivi.
40. La période examinée a également été marquée par diverses tentatives
de médiation internationale. Une rencontre trilatérale orchestrée
par le président du Conseil européen, Charles Michel, avec la participation du
Premier ministre arménien Pachinian et du Président azerbaïdjanais
Aliyev, a eu lieu en août à Bruxelles. À l’issue d’une autre rencontre
entre les deux dirigeants, le 6 octobre, en présence du Président
français et du Président du Conseil de l’Union européenne, une mission
civile de l’Union européenne a été dépêchée le long de la frontière
entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, afin d’aider à apaiser les tensions
et de contribuer à la délimitation de la frontière entre les deux
pays. Le Premier ministre Pachinian et le Président Aliyev se sont
à nouveau rencontrés à Sotchi, le 31 octobre, en présence du Président
Poutine. Les dirigeants ont adopté une déclaration commune dans
laquelle ils se sont engagés «à s’abstenir de recourir à la menace
ou à l’emploi de la force », et «à aborder et régler tous les litiges
uniquement sur la base de la reconnaissance mutuelle de la souveraineté,
de l’intégration territoriale et de l’inviolabilité des frontières».
Ils ont par ailleurs «souligné l’importance des préparatifs actifs
à la conclusion d’un traité de paix entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie».
41. Au cours de la partie de session d’octobre, l’Assemblée a
tenu un débat sur les hostilités militaires entre l’Azerbaïdjan
et l’Arménie et son Bureau a chargé la commission de suivi de suivre
la situation. Les corapporteurs ont fait une déclaration
Note appelant
les autorités azerbaïdjanaises à se retirer immédiatement de toutes
les parties du territoire de l’Arménie et à libérer les prisonniers
de guerre sous leur contrôle.
2.2.3 Azerbaïdjan
42. Le dernier rapport sur le fonctionnement
des institutions démocratiques en Azerbaïdjan remonte à octobre 2017.
À la suite de la visite effectuée par les corapporteurs dans le
pays en juillet 2019, une note d’information a été préparée et déclassifiée.
43. Sur un plan général, la situation en Azerbaïdjan ne s’est
pas améliorée et un certain nombre de problèmes persistants concernant
l’État de droit, la démocratie pluraliste et les droits humains
n’ont toujours pas été réglés. De graves préoccupations portent
notamment sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, la liberté des
médias et la liberté d’expression, la liberté d’association et des
libertés politiques, ainsi que sur des allégations de torture et
de mauvais traitements par les agents des forces de l’ordre et des
conditions de détention insatisfaisantes.
44. Un grand nombre d’arrêts rendus récemment par la Cour européenne
des droits de l’homme mettent en évidence « une troublante tendance
marquée à l’arrestation et à la détention arbitraires de personnes
critiques à l’égard du gouvernement, de militants de la société
civile et de défenseurs des droits humains au moyen de poursuites
engagées en guise de représailles et d’un détournement du droit
pénal au mépris de la prééminence du droit ». Cette privation arbitraire
de liberté est souvent assortie de violations des libertés d’expression
et de réunion.
45. Dans de nombreux arrêts, la Cour a conclu à des violations
de l’article 18 de la Convention (utilisation abusive des dispositions
de droit pénal relatives à l’arrestation et à la détention à des
fins non autorisées par la Convention) et de l’article 6 (droit
à un procès équitable). Le maintien en détention de personnes incarcérées pour
des motifs politiques en Azerbaïdjan est extrêmement préoccupant.
46. Le décret de grâce signé par le Président Ilham Aliyev le
27 mai 2022, prévoyant la libération de 168 personnes condamnées,
a bénéficié à au moins 22 prisonniers politiques présumés dont M. Salekh Rustamly, membre
du parti d’opposition extraparlementaire, le Front populaire d’Azerbaïdjan
(PPFA), M. Afgan Sadygov, directeur du portail d’information Azel.TV,
M. Pasha Umudov, chauffeur particulier du président du PPFA, ainsi qu’à
plusieurs condamnés dans l’affaire Ganja. S’il y a lieu de saluer
la libération de personnes emprisonnées de manière injustifiée,
la question des procès inéquitables et des accusations fabriquées
de toutes pièces n’est toujours pas résolue. Par ailleurs, d’après
les défenseurs des droits humains, les prisons abritent encore aujourd’hui
des personnes détenues pour des motifs de nature politique.
47. En ce qui concerne l’affaire emblématique d’Elchin Sadigov,
célèbre avocat défenseur des droits humains et représentant légal
de nombreux militants de l’opposition, arrêté le 10 septembre 2022,
le même jour que le journaliste renommé Avaz Zeynalli, directeur
d’une chaîne de TV internet, et à l’encontre desquels le tribunal
avait ordonné le placement en détention provisoire pendant quatre
mois pour corruption, il convient de noter que la Cour d’appel de
Bakou a libéré M. Sadigov le 17 septembre 2022 et l’a assigné à
résidence (la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
avait fait une déclaration le 13 septembre dans laquelle elle demandait
instamment aux autorités de le libérer immédiatement).
48. En février 2022, la commission de suivi, alertée par la société
civile et des journalistes indépendants en Azerbaïdjan, a sollicité
l’avis de la Commission de Venise concernant la loi sur les médias,
adoptée par le Milli Majlis le 30 décembre 2021. La Commission de
Venise a adopté son avis en juin 2022 dans lequel elle conclut que
de nombreuses dispositions ne sont pas conformes aux normes du Conseil
de l’Europe en matière de liberté d’expression et de liberté des
médias et ne permettent pas aux médias d’exercer efficacement leur rôle
de défenseurs des intérêts publics. Elle a adressé un certain nombre
de recommandations aux autorités azerbaïdjanaises, les appelant
instamment à abroger ou à réviser la loi.
49. S’agissant des hostilités entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan,
la situation toujours tendue malgré le cessez-le-feu au cours de
la période considérée a été marquée par des flambées de violence
ponctuelles le long de la frontière entre les deux pays qui ont
fait de nombreuses victimes et causé des dégâts importants (voir chapitre
2.6).
50. Au cours de la partie de session d’octobre, l’Assemblée a
tenu un débat sur les hostilités militaires entre l’Azerbaïdjan
et l’Arménie et son Bureau a chargé la commission de suivi de suivre
la situation. Les rapporteurs, M. Ian Liddell-Granger (Royaume-Uni,
CE/AD) et Mme Lise Christoffersen (Norvège, SOC) envisagent de se
rendre dans le pays en février 2023.
2.2.4 Bosnie-Herzégovine
51. En 2021, les autorités de la
Republika Srpska avaient appelé au retrait unilatéral de l’entité
des éléments fondamentaux de l’ordre constitutionnel établi au cours
des 26 années de mise en œuvre des accords de Dayton, brandissant
ainsi la menace d’une sécession avec l’État de Bosnie-Herzégovine.
Le 10 décembre 2021, l’Assemblée nationale de la Republika Srpska
a demandé au gouvernement de l’entité de présenter des projets de
loi amorçant le processus de séparation dans un délai de six mois.
Les États-Unis, le Parlement européen et le Royaume-Uni ont réagi
en adoptant des sanctions à l’encontre de M. Dodik, Président de
la Republika Srpska, et de certains de ses plus proches alliés politiques
dans l’entité.
52. Pendant plusieurs mois, les partis politiques de la Fédération
ont mené des discussions sur la législation électorale afin de trouver
un moyen de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve la Fédération,
qui est dirigée par un gouvernement intérimaire mis en place dans
le cadre du mandat 2014-2018. Les soutiens internationaux ont déployé
beaucoup d’efforts pour aider à trouver un accord qui permettrait
de remédier aux violations de la Convention européenne des droits
de l’homme constatées par la Cour dans les affaires Sejdić et Finci,
Zornić et d’autres, ainsi qu’aux déficiences du processus électoral
relevées par le Bureau des institutions démocratiques et des droits
de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (BIDDH/OSCE), le Groupe d’États contre la corruption (GRECO)
et la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise). Cependant, aucun consensus n’a été atteint. Le Haut Représentant
a décidé de mettre en œuvre certaines décisions le 7 juin et le
27 juillet respectivement, pour assurer le financement des prochaines
élections et modifier la législation électorale afin de contribuer
à prévenir la fraude électorale et d’améliorer la transparence.
53. Dans le but de favoriser l’intégration de la Bosnie-Herzégovine
dans l’Union européenne, une réunion a été organisée le 12 juin
avec le président du Conseil européen, les trois membres de la présidence
de Bosnie-Herzégovine et les chefs des partis politiques représentés
au parlement. Un accord politique a été conclu à cette occasion,
dans lequel les dirigeants politiques se sont engagés à entreprendre
les réformes électorales et les réformes constitutionnelles limitées
nécessaires pour assurer le plein respect des décisions de la Cour européenne
des droits de l’homme et de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine,
des recommandations de la Commission de Venise et celles de l’OSCE/BIDDH
et du GRECO. Un train de réformes essentielles devrait être adopté
dans un délai maximum de six mois à compter de la formation des nouvelles
autorités nationales à la suite des élections.
54. Au cours de la partie de session de juin, la commission a
abordé ces développements alors que les corapporteurs, M. Zsolt Németh
(Hongrie, CE/AD) et Mme Ekaterina Zaharieva (Bulgarie, PPE/DC) présentaient
une note d’information sur le système électoral en Bosnie-Herzégovine
et qu’un échange de vues sur l’exécution des décisions de la Cour
était organisé avec la participation du Service de l’exécution des
arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
55. M. Németh a participé à la mission internationale d’observation
des élections (MIOE). Des élections présidentielles et législatives
ont été tenues le 2 octobre au niveau de l’État et au sein des deux
entités. La mission d’observation a conclu que les élections ont
été concurrentielles et dans l’ensemble bien organisées, dans le
respect des libertés fondamentales pendant la campagne. Cependant,
l’environnement électoral est resté marqué par l’échec des réformes,
un manque de confiance généralisé dans les institutions publiques
et un discours de division ethnique.
56. S’agissant de la présidence tripartite de la Bosnie-Herzégovine,
le candidat de l’opposition Denis Bećirović a été élu membre bosniaque,
le coprésident sortant Željko Komšić a remporté le siège croate et
Željka Cvijanović a obtenu le siège serbe. En ce qui concerne la
Republika Srpska, Milorad Dodik a remporté la présidence face à
la candidate de l’opposition Jelena Trivić, après qu’un nouveau
décompte des voix ait été ordonné. Pour ce qui est des organes parlementaires,
les partis affichant une appartenance ethnique marquée ont pu maintenir
leur position forte dans la plupart des parlements du pays.
57. Peu après la fermeture des bureaux de vote, le Haut Représentant
a promulgué deux décisions, l’une modifiant la Constitution de la
Fédération et l’autre portant amendement de la loi électorale. Ces
deux décisions, appelées «functionality package» (paquet fonctionnalité),
ne concernent que la mise en place postélectorale des organes élus
indirectement et visent à améliorer la fonctionnalité de la Fédération
de Bosnie-Herzégovine. Certains partis les ont vivement critiquées,
estimant qu’elles renforçaient la division de l’électorat selon
des considérations ethniques. L’ampleur réelle de ces mesures sera
évaluée dans le rapport final de la MIOE et les corapporteurs suivront
attentivement ces développements.
58. Peu de temps après les élections, le 12 octobre, et conformément
à l’accord conclu le 12 juin, la Commission européenne a recommandé
que la Bosnie-Herzégovine obtienne le statut de pays candidat, étant entendu
qu’un certain nombre de mesures seront prises pour renforcer la
démocratie, le fonctionnement efficace des institutions publiques,
l’État de droit, la lutte contre la corruption et la criminalité
organisée, ainsi que pour garantir la liberté des médias et améliorer
la gestion des migrations dans le pays. Il reste aux partis politiques
représentés au sein des institutions publiques à parvenir à un compromis
sur la réforme électorale et constitutionnelle, conformément à la
Convention européenne des droits de l’homme.
2.2.5 Géorgie
59. Le 28 avril 2022, l’Assemblée
a adopté la
Résolution
2438 (2022) «Le respect des obligations et engagements de la Géorgie»
dans laquelle elle a salué les progrès continus et significatifs
réalisés par le pays dans le respect de ses obligations en tant
que membre du Conseil de l’Europe et de ses engagements d’adhésion.
Dans le même temps, l’Assemblée a fait part de ses inquiétudes face
à un nombre de préoccupations et de lacunes qui restent à traiter
et a donc décidé de poursuivre la procédure de suivi à l’égard de
la Géorgie.
60. L’Assemblée a précisé que les recommandations contenues dans
la
Résolution 2438 (2022) et le rapport qui l’accompagne donnent une idée claire
des progrès que la Géorgie doit réaliser avant l’ouverture d’un
dialogue postsuivi, sous réserve qu’il n’y ait pas de retour en
arrière ou de régression par rapport aux progrès accomplis à ce
jour. Parallèlement, l’Assemblée a également souligné que toute
avancée dans la procédure de suivi nécessitera l’engagement total
et la volonté politique, y compris la volonté de travailler ensemble,
tant des autorités au pouvoir que de l’opposition.
61. Malheureusement, depuis l’adoption de la résolution, certaines
des réformes indispensables à la consolidation démocratique du pays
et au renforcement du fonctionnement des institutions garantes de
l’État de droit semblent au point mort, ce qui a amené la communauté
internationale à s’interroger sur le soutien réel apporté à ces
réformes. Cette situation se reflète dans le score obtenu par la
Géorgie dans le rapport «Nations in Transit 2022» de Freedom House,
qui a légèrement diminué, passant de 36 à 35, ainsi que dans le
net recul enregistré par le pays au classement mondial de la liberté
de la presse 2022 établi par Reporters sans frontières, passant
de la 60e à la 89e place.
62. Des préoccupations concernant l’environnement médiatique en
Géorgie ont également été exprimées à la suite de la condamnation
controversée de Nika Gvaramia, directeur de la chaîne de télévision Mtavari Arkhi
proche de l’opposition, à une peine d’emprisonnement de trois ans
et demi pour abus de pouvoir et détournement de fonds présumés alors
qu’il dirigeait la chaîne Rustavi 2. M. Gvaramia, qui avait interjeté appel,
a vu sa condamnation confirmée le 2 novembre 2022 par la cour d’appel
de Tbilissi. Certains acteurs nationaux et internationaux, dont
le Défenseur public géorgien, ont remis en question les accusations
et le moment où elles ont été portées. Sans vouloir juger du bien-fondé
des faits reprochés à M. Gvaramia, il est clair que son placement
en détention a nui à l’environnement politique et médiatique du
pays. Certains interlocuteurs ont suggéré que le président géorgien
devrait envisager de gracier M. Gvaramia. Les autorités sont encouragées
à prendre toutes les mesures possibles pour réduire les tensions
dans l'environnement médiatique.
63. Comme l’a souligné l’Assemblée, l’une des caractéristiques
de la Géorgie tient au fait que les autorités nationales successives
ont toujours entretenu des relations cordiales et constructives
avec les partenaires internationaux du pays et répondu à leurs préoccupations
et recommandations, même concernant les points de désaccord. Les
propos de plus en plus durs tenus par certains représentants de
la majorité au pouvoir au sujet des craintes et critiques exprimées
par des partenaires internationaux de la Géorgie sont donc préoccupants
et ont vraisemblablement pesé sur les suites données à la demande
d’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne. Toutes les forces
politiques sont invitées à poursuivre la coopération habituelle,
à la fois cordiale et constructive, avec les partenaires internationaux,
laquelle constitue la pierre angulaire de la politique internationale
du pays.
64. Le 2 mars 2022, face au profond bouleversement de l’environnement
géopolitique consécutif à l’invasion de l’Ukraine par la Fédération
de Russie, la Géorgie a introduit une demande d’adhésion immédiate à
l’Union européenne.
65. Le 17 juin 2022, la Commission européenne a rendu ses avis
sur les demandes d’adhésion de l’Ukraine, de la République de Moldova
et de la Géorgie. Elle y recommandait d’accorder à l’Ukraine et
à la République de Moldova le statut de candidat, étant entendu
que ces deux pays devaient poursuivre les réformes politiques requises.
Dans le même temps, critiquant clairement l’environnement politique
du pays, elle a recommandé de donner à la Géorgie la perspective
d’adhérer à l’Union européenne, ajoutant que le statut de pays candidat devrait
lui être accordé une fois seulement que 12 priorités
Note auront été
traitées de manière satisfaisante. Ces dernières mettent notamment
en exergue la nécessité pour les forces politiques de conjuguer
leurs efforts afin de remédier au problème de polarisation extrême
de l’environnement politique et de renforcer les institutions démocratiques
et l’État de droit dans le pays. Il convient de souligner que les
12 conditions de la Commission européenne portent sur les mêmes
domaines que les recommandations formulées par l’Assemblée dans
la
Résolution 2438 (2022), et qu’elles sont dans une large mesure similaires à
celles-ci. Un certain nombre de réformes ont été lancées et la coopération
avec la Commission de Venise, ainsi que ses avis, ont été sollicités pour
guider les réformes, ce qui doit être salué.
66. Dans ce contexte, il convient de noter que, dans sa
Résolution 2438 (2022), l’Assemblée a fait part de ses vives préoccupations
quant à l’environnement politique extrêmement tendu et polarisé
en Géorgie, mû par des stratégies politiques à somme nulle et par
l’absence de compréhension et de compromis de la part de l’opposition
comme de la majorité au pouvoir qui campent l’une et l’autre sur
leurs positions et se retranchent derrière le rôle qui est le leur.
De l’avis de l’Assemblée, ce climat politique, qui empêche toute
forme de coopération constructive entre la majorité au pouvoir et
l’opposition et affecte la mise en œuvre de réformes cruciales,
est un obstacle de taille à la consolidation démocratique de la
Géorgie.
67. Malheureusement, l’environnement politique n’a pas connu d’amélioration
notable, comme en témoigne l’absence de consensus et de coopération
entre l’opposition et la majorité au pouvoir concernant la demande d’adhésion
de la Géorgie à l’Union européenne ou la mise en œuvre des réformes
nécessaires pour remplir les conditions d’obtention du statut de
pays candidat. Je tiens à réitérer l’appel lancé par l’Assemblée
dans sa
Résolution 2438
(2022) à l’ensemble des forces politiques du pays, aussi bien
de la majorité au pouvoir que de l’opposition, à placer le bien
commun de la nation au-dessus de toute stratégie politique partisane
étroite et à coopérer conjointement et de manière constructive,
dans l’intérêt de la consolidation de la démocratie et de l’intégration
euro-atlantique de la Géorgie.
68. L’Assemblée a rappelé à plusieurs reprises son soutien indéfectible
à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Géorgie à
l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues. Par
ailleurs, elle a fait savoir qu’elle était préoccupée et condamnait
l’occupation illégale et l’annexion progressive par la Fédération de
Russie des régions géorgiennes d’Abkhazie et de Tskhinvali/Ossétie
du Sud, qui causent une situation désastreuse sur le terrain en
matière sécuritaire et humanitaire, et du point de vue des droits
humains, avec une militarisation et des restrictions de la liberté
de circulation illégales qui prennent de plus en plus d’ampleur. Cette
question est devenue particulièrement sensible dans le contexte
de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie. Le 15 septembre 2022,
la sous-commission sur les conflits concernant les États membres
du Conseil de l’Europe a tenu un échange de vues sur les développements
récents intervenus dans les régions géorgiennes d’Abkhazie et de
Tskhinvali/Ossétie du Sud ainsi que sur l’état d’avancement des discussions
internationales de Genève, avec la participation de M. Lasha Darsalia,
premier Vice-ministre des Affaires étrangères de Géorgie. Elle est
convenue que les corapporteurs pour ce pays devraient continuer
de suivre attentivement l’évolution de la situation dans ces deux
régions géorgiennes.
2.2.6 République
de Moldova
69. L’année 2022 a été marquée
par la guerre qui a éclaté dans l’Ukraine voisine et placé la République
de Moldova face à de sérieux défis socio-économiques et à de graves
problèmes de sécurité. Lors de leur visite dans le pays en juin
2022, les rapporteurs, Mme Inese Lībiņa-Egnere (Lettonie, PPE/DC)
et M. Pierre-Alain Fridez (Suisse, SOC), ont
salué la manière dont les autorités moldaves géraient la crise
des réfugiés ainsi que la résilience de la population et la solidarité
dont celle-ci faisait montre alors que plus de 700 000 réfugiés avaient
afflué dans le pays et près de 100 000 s’y étaient installés. Ces
bouleversements sont venus s’ajouter aux problèmes liés à la pandémie
et à la crise énergétique qui avaient secoué le pays l’année précédente
et qui ont débouché sur une crise économique et une forte inflation.
70. Les autorités moldaves ont réussi à maintenir le dialogue
avec l’administration de facto de
la région transnistrienne de la République de Moldova et à désamorcer
les tensions, malgré les possibles répercussions de l’agression
russe sur la région (et la présence de l’armée russe). Ces points
ont été examinés en mars au sein de la sous-commission sur les conflits
concernant les États membres du Conseil de l’Europe, en présence du
Vice-premier ministre chargé de la Réintégration, Oleg Serebrian
(voir paragraphes 22 et 161). Les tensions avec l’Entité territoriale
autonome de Gagaouzie-Yeri (ATUG) ont été exacerbées par la situation
dans la région, comme la décision de l’assemblée régionale de l’ATUG
d’autoriser l’utilisation du Ruban de Saint-Georges ou d’adopter
une législation anti-LGBT, en violation du droit moldave. La guerre
en Ukraine a accéléré le programme européen de la République de
Moldova, qui a demandé à l’Union européenne d’ouvrir les négociations
d’adhésion le 2 mars. Le 23 juin, le Conseil européen a accordé
le statut de pays candidat à la République de Moldova et à l’Ukraine.
71. Les rapporteurs se sont félicités de la poursuite des réformes
prioritaires dans le domaine de la justice et de la lutte contre
la corruption lancées par le parti de la Présidente Sandu (Action
et Solidarité), qui jouit d’une majorité stable, malgré les difficultés
liées à la réorganisation d’institutions publiques jusque-là «captives»
et au manque de personnel. Des progrès notables ont été observés,
notamment la création de la commission d’évaluation de l’activité
des juges et des procureurs («commission de pré-évaluation») qui
devrait rapidement jouer un rôle clé dans le renforcement de l’indépendance
et de l’intégrité du pouvoir judiciaire et du ministère public.
Une nouvelle procureure générale chargée de la lutte contre la corruption
a été nommé.
72. Les autorités moldaves ont continué à coopérer étroitement
avec le Conseil de l’Europe. Les rapporteurs ont tenu compte des
conclusions de la
Commission
de Venise, qui a émis cinq avis sur des questions juridiques et
deux mémoires
amicus curiae à
la demande des autorités, dont des avis sur les mesures spécifiques
prises pour préserver la souveraineté du pays, y compris les amendements
au Code des services de médias audiovisuels, et sur l’interdiction
de l’utilisation de certains symboles en vertu de la loi sur la
lutte contre les activités extrémistes. La Commission de Venise
a également préparé un
avis sur le projet de Code électoral.
73. Les rapporteurs ont aussi suivi les affaires pénales de niveau
élevé ouvertes en 2021 (en particulier à l’encontre de l’ancien
Président Dodon, du Bloc des socialistes, actuellement sous contrôle
judiciaire, et de Marina Tauber, du parti SHOR, placée en résidence
surveillée), ainsi que la procédure engagée contre le procureur
général suspendu, M. Stoianoglu. Les rapporteurs ont salué la détermination
des autorités à lutter efficacement contre la corruption, tout en
les appelant à respecter les garanties procédurales et exigences
de l’État de droit. Le ministre de la Justice a déposé un recours
en inconstitutionnalité contre le parti SHOR pour financement illégal
présumé et atteinte à l’intégrité du pays, suite à quoi la Cour
constitutionnelle a sollicité un mémoire amicus curiae à la Commission
de Venise sur la déclaration d'inconstitutionnalité d'un parti politique.
74. Les rapporteurs ont soumis leur projet de rapport à la commission
de suivi le 14 décembre, en vue de sa présentation à la partie de
session de janvier 2023.
2.2.7 Pologne
75. Aucune visite d’information
n’a pu être effectuée en Pologne, des contraintes nationales ayant bouleversé
le calendrier des rapporteurs et leur disponibilité. Mme Azadeh
Rojhan Gustafsson (Suède, SOC) et M. Pieter Omtzig (Pays-Bas, PPE/DC)
ont l’intention de se rendre dans le pays début 2023.
76. Dans le contexte de l’agression de la Russie contre l’Ukraine,
la Pologne a joué un rôle exemplaire en fournissant une assistance
considérable à l’Ukraine. En septembre 2022, selon l’Agence des
Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), près de 1,4 million de réfugiés
ukrainiens avaient demandé à bénéficier d’une protection temporaire
en Pologne – plus que dans n’importe quel autre pays de l’Union
européenne. Le pays mérite d’être félicité pour le rôle qu’il joue
au sein de la communauté internationale vis-à-vis de l’Ukraine et
pour la solidarité dont il ne cesse de faire preuve envers l’Ukraine
et les Ukrainiens.
77. Cependant, les développements observés dans les domaines de
l’indépendance du pouvoir judiciaire et de l’adhésion aux normes
européennes en matière d’État de droit restent malheureusement une
source de vives préoccupations qui pèsent sur les relations de la
Pologne avec les organisations internationales et l’Union européenne
en particulier.
78. Pour rappel, dans l’arrêt qu’elle a rendu le 7 mai 2021 dans
l’affaire Xero Flor w Polsce sp. Z oo.
c. Pologne (requête no 4907/18),
la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’élection des
juges à la Cour constitutionnelle en 2015 avait été irrégulière,
rendant illégale la composition de la formation de jugement à laquelle
ces juges avaient participé (en ce qu’il ne s’agissait pas d’un
tribunal établi par la loi). Au lieu d’exécuter cet arrêt, conformément
aux obligations nées de la Convention européenne des droits de l’homme qui
leur incombent, les autorités ont saisi la Cour constitutionnelle
polonaise pour qu’elle examine la constitutionnalité, au regard
de la constitution, de l’article 6 de la Convention. Le 24 novembre
2021, la Cour constitutionnelle a jugé que l’article 6.1 de la Convention
européenne des droits de l’homme (droit à un procès équitable devant
un tribunal indépendant) n’était pas compatible avec la Constitution
polonaise s’il était appliqué à la Cour constitutionnelle ou utilisé
pour donner à la Cour de Strasbourg le droit d’évaluer la légalité du
processus d’élection des juges de la Cour constitutionnelle. En
réponse, se prévalant des compétences que lui confère l’article
52 de la Convention, la Secrétaire Générale a demandé aux autorités
polonaises de lui fournir, avant le 7 mars 2022, des explications
sur la manière dont le droit interne assure la mise en œuvre effective
des articles 6 et 32 de la Convention à la suite de l’arrêt de la
Cour constitutionnelle. La réponse a été reçue le 8 mars 2022.
79. Dans l’intervalle, le 22 juillet 2021, la Cour européenne
des droits de l’homme a rendu un arrêt dans l’affaire Reczkovicz c. Pologne (requête no 43447/19),
dans lequel elle a dit à l’unanimité qu’il y avait eu violation
de l’article 6.1 de la Convention dans la procédure disciplinaire
engagée contre la requérante (une avocate), et que la chambre disciplinaire
de la Cour suprême ne pouvait être considérée comme un «tribunal établi
par la loi» au sens de la Convention. Comme dans l’affaire Xero Flor c. Pologne, le ministre
de la Justice a saisi la Cour constitutionnelle polonaise pour qu’elle
examine la constitutionnalité, au regard de la Constitution, de
la première phrase de l’article 6.1 de la Convention. Le 10 mars
2022, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt dans lequel elle
a conclu que l’article 6.1 de la Convention était incompatible avec
la Constitution dans la mesure où elle étend l’expression «droits
et obligations de caractère civil» au droit individuel d’un juge
d’exercer une fonction administrative dans la structure du pouvoir
judiciaire ordinaire du système juridique polonais; en déterminant
si un «tribunal» est «établi par la loi», elle permet à la Cour européenne
des droits de l’homme d’ignorer les dispositions de la Constitution,
les statuts et les arrêts de la Cour constitutionnelle polonaise,
d’examiner les statuts concernant le système judiciaire et la compétence
des tribunaux, ainsi que le statut régissant le Conseil national
de la magistrature et de créer de manière indépendante des normes
relatives à la procédure de nomination des juges nationaux. Le 16
mars, la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe a demandé aux
autorités polonaises de lui fournir des informations supplémentaires
sur la manière dont le droit polonais assurerait la mise en œuvre
effective des articles 6 et 32 de la Convention à la suite de cette
décision. La réponse des autorités polonaises a été reçue le 23
juin 2022.
80. Le 9 novembre 2022, la Secrétaire Générale a présenté au Comité
des Ministres son rapport
Note en vertu de l’article 52 de la Convention,
qui contient une analyse juridique des réponses des autorités polonaises.
Ce rapport a été publié le 23 novembre après avoir été discuté par
le Comité des Ministres. Dans son analyse, la Secrétaire Générale
a clairement indiqué que la Pologne, comme tous les autres pays,
est obligée de mettre en œuvre la Convention et de se conformer
aux arrêts de la Cour européenne, même si, dans des cas extrêmes,
cela nécessiterait de modifier la Constitution. Il ressort clairement
du rapport que les décisions de la Cour constitutionnelle relatives
à la compatibilité de la Convention avec la Constitution polonaise
constituent un défi inacceptable à la suprématie de la Convention
européenne des droits de l’homme et vont à l’encontre de ses obligations
de membre.
81. Afin de débloquer les fonds de relance de l’Union européenne
qui avaient été gelés pour non-respect par la Pologne des engagements
en matière d’État de droit qu’elle avait pris envers l’Union européenne,
ainsi que pour mettre fin à la condamnation par la Cour européenne
de justice à une astreinte d’un million d’euros par jour pour ne
pas avoir suspendu les activités de la chambre disciplinaire des
juges, les autorités polonaises ont adopté des amendements à la
loi sur la Cour suprême et aboli la chambre disciplinaire. Ces modifications sont
entrées en vigueur le 15 juillet 2022. Toutefois, la Commission
européenne a jugé qu’elles n’étaient pas suffisantes pour répondre
à ses préoccupations et débloquer les fonds. D’autres réformes sont
nécessaires. Le Conseil national de la magistrature qui, comme l’a
fait valoir la Cour européenne des droits de l’homme, ne peut plus
être considéré comme étant indépendant et est placé sous le contrôle
politique des autorités, demeure un obstacle sérieux. On voit mal
comment la Pologne pourrait respecter ses engagements en matière d’État
de droit envers l’Union européenne et le Conseil de l’Europe sans
réformer le Conseil national de la magistrature.
2.2.8 Serbie
82. En mai 2019, la commission
de suivi a examiné les commentaires des autorités serbes sur un
avant-projet de rapport sur le suivi de la Serbie. Conformément
à la décision des (précédents) corapporteurs, la présentation du
projet de rapport à la commission a cependant été reportée. Par
la suite, l’élaboration du rapport a été retardée par la pandémie,
de nouveaux changements au niveau des rapporteurs, les élections législatives
de juin 2021 et les élections législatives et présidentielles anticipées
d’avril 2022. L’année 2022 a également été marquée par la nomination
de nouveaux rapporteurs par la commission de suivi, à savoir Mme Christoffersen
(Norvège, SOC)
Note en février 2022, Mme Eva Decroix (République
tchèque, CE/AD) en mai 2022 et M. Axel Schäfer (Allemagne, SOC)
en décembre 2022.
83. Le 16 janvier 2022, 59 % des électeurs serbes ont approuvé
des amendements constitutionnels visant à réduire l’influence politique
au sein du système judiciaire, conformément à la majorité des recommandations formulées
par la Commission de Venise en décembre 2021. Les rapporteurs y
ont vu une première étape importante et une condition préalable
à la dépolitisation du pouvoir judiciaire et à la consolidation
de l’État de droit, tout en relevant que le pays restait confronté
à des défis démocratiques, notamment l’absence d’une opposition
viable au parlement et un environnement polarisé.
84. En ce qui concerne les élections d’avril 2022, des modifications
importantes du cadre électoral ont été adoptées le 4 février 2022,
à l’issue de larges consultations interpartis. La mission
ad hoc d’observation des élections
de l’Assemblée
a relevé que, malgré le bon déroulement du scrutin, les
élections avaient été marquées par plusieurs lacunes procédurales
systématiques et que des recommandations formulées de longue date
n’avaient pas été suivies d’effet, notamment en ce qui concerne
l’accès aux médias, le financement des campagnes, les mesures visant
à lutter contre les pressions exercées sur les électeurs ainsi que
le contrôle et l’audit publics des listes électorales. Le Président
sortant, M. Vučić, a été réélu au premier tour avec 60 % des voix.
Le résultat de ces élections a permis de constituer un parlement
plus pluraliste, avec une majorité parlementaire formée par la coalition
menée par le Parti progressiste serbe (SNS), le Parti socialiste
de Serbie (SPS), l’Alliance démocratique des Croates de Vojvodine
(DSHV) et l’Alliance des Hongrois de Vojvodine (SVM). Le parlement
s’est à nouveau réuni en août 2022 ; le gouvernement dirigé par la
Première ministre sortante, Mme Brnabić, a prêté serment le 26 octobre
2022.
85. Dans le domaine de l’État de droit, les autorités serbes ont
élaboré une législation d’application des amendements constitutionnels
sur le pouvoir judiciaire. Dans son
avis d
‘octobre
2022 sur trois projets de loi sur l’organisation des tribunaux,
les juges et le Conseil supérieur de la magistrature, la Commission
de Venise a loué les efforts consacrés à la préparation globale
de ce paquet législatif et relevé que le système judiciaire serbe
était toujours caractérisé par un esprit hiérarchique et de multiples
formes d’évaluations et de contrôles. Elle a souligné la nécessité
de changer la culture juridique prévalant au sein du système judiciaire
et émis plusieurs propositions concrètes pour améliorer les projets
de loi.
86. Dans son
deuxième
Rapport de conformité intermédiaire de mars 2022 (Quatrième cycle d’évaluation), le GRECO
reconnaît que des progrès ont été faits, notamment en ce qui concerne
la modification de la loi relative à la prévention de la corruption
conformément à ses recommandations, l’amélioration de la transparence
du processus d’élaboration des lois, l’établissement d’un dispositif
plus efficace pour la participation du public au processus législatif
à un stade très précoce et l’adoption d’un code de conduite pour les
parlementaires. Des progrès ont également été constatés dans la
prévention de la corruption des procureurs et des juges. Une nouvelle
stratégie anti-corruption et son plan d’action doivent encore être élaborés.
En juillet 2022, le GRECO a publié son
Rapport
d’évaluation du Cinquième cycle sur la prévention de la corruption parmi les personnes
occupant de hautes fonctions de l’exécutif (PHFE), dans lequel il
met en avant le rôle de l’Agence pour la prévention de la corruption
ainsi que la nécessité d’élaborer une stratégie publique sur la
prévention de la corruption couvrant explicitement les PHFE et les
forces de police, et de contrôler systématiquement et de manière
approfondie les déclarations de patrimoine des PHFE.
87. La liberté des médias demeure un sujet de préoccupation. En
2022, la Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection
du journalisme et la sécurité des journalistes a déclenché
14
alertes (qui n’ont suscité qu’une seule réaction de la part
des autorités), qui concernaient notamment des agressions, des menaces
ou des intimidations à l’encontre de journalistes. Le rôle et l’indépendance
de l’Organe de supervision des médias électroniques sont également
sujets à caution depuis qu’il a délivré, en juillet 2022, des licences de
radiodiffusion nationales d’une durée de huit ans aux quatre mêmes
fréquences nationales que lors de la période précédente, malgré
les avertissements pour non-respect de ses obligations légales.
88. La lutte contre la discrimination a été au centre de la partie
de session d’octobre 2022 de l’Assemblée. Face aux tentatives d’interdire
l’Europride pour des raisons de sécurité, le Rapporteur général
de l’Assemblée sur les droits des personnes LGBTI,
Christophe
Lacroix, a lancé un appel en faveur du respect de la liberté d’expression
et de réunion. L’Europride a finalement pu avoir lieu le 17 septembre,
avec un itinéraire raccourci. L’Assemblée a examiné ce point en
octobre, dans le cadre d’un débat d’actualité intitulé «Les menaces d’interdiction
des manifestations Pride dans les États membres du Conseil de l’Europe».
89. La situation a aussi été marquée par des tensions avec le
Kosovo*
Note, notamment au sujet des plaques minéralogiques et
par l’absence de progrès dans les négociations sur l’accord global
juridiquement contraignant sur la normalisation de leurs relations
dans le cadre du dialogue facilité par l’Union européenne.
2.2.9 Türkiye
90. En 2022, la commission de suivi
a porté toute son attention à la préparation d’un rapport de suivi
à mi-parcours sur la Türkiye, consacré essentiellement au système
judiciaire, à l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme et à la préparation des élections présidentielles et
législatives de 2023.
91. Les rapporteurs de l’Assemblée, John Howell (Royaume-Uni,
CE/AD) et Boriss Cilevičs (Lettonie, SOC), se sont rendus dans le
pays du 20 au 24 mars 2022 et se sont félicités des échanges francs
et ouverts qu’ils ont eus avec les autorités turques. Ils sont retournés
en Türkiye du 18 au 20 mai, à la suite de la condamnation du philanthrope
Osman Kavala à la peine de prison à perpétuité aggravée – en dépit
d’un arrêt de décembre 2019 de la Cour européenne des droits de
l’homme qui, ayant estimé que son placement en détention provisoire
était illégal, avait demandé aux autorités de le libérer. De retour
de Türkiye, les rapporteurs de l’Assemblée ont
précisé que «la solution dans l’affaire Kavala [était] entre
les mains du système judiciaire turc, qui [avait] la capacité de
trouver une solution juridique conforme à l’arrêt de Strasbourg».
92. En février 2022, le Comité des Ministres a lancé une procédure
d’infraction pour non-exécution de l’arrêt de la Cour dans l’affaire
Osman Kavala, que la Cour a confirmé en juillet 2022. À la suite
du rapport de la commission et à la
Résolution 2459 (2022), l’Assemblée a invité les présidents de l’Assemblée
et du Comité des Ministres «à poursuivre des relations étroites
et à utiliser pleinement les moyens dont ils disposent respectivement,
si le manquement de la Türkiye à ses obligations devait perdurer».
93. La commission demeure préoccupée par des questions soulevées
de manière récurrente, dont la répression exercée à l’encontre des
membres de l’opposition politique, y compris les procédures visant
à lever l’immunité parlementaire (de membres de partis d’opposition,
pour l’essentiel), la tentative de dissolution du Parti démocratique
des peuples (HDP), les restrictions à la liberté d’expression et
des médias et l’interprétation trop large de la législation antiterroriste.
Dans sa
Résolution 2459
(2022), l’Assemblée exhortait les autorités à engager des réformes
de toute urgence pour restaurer la pleine indépendance du pouvoir
judiciaire et un système efficace de freins et de contrepoids. Pour
les rapporteurs, la peine de prison infligée au chef de l’opposition
Canan
Kaftancıoğlu et l’arrestation de la présidente de l’Association turque
des médecins
Şebnem Korur
Fincancı sont autant de mesures regrettables. La commission a
également conclu que le changement de système politique adopté en
2017 – bien qu’il s’agisse du droit souverain de tout État membre
– a gravement affaibli les institutions démocratiques en Türkiye
et rendu les mécanismes d’équilibre des pouvoirs dysfonctionnels
et défaillants.
94. Le 24 novembre, les rapporteurs ont
salué la décision de la Cour de cassation d'annuler les peines d'emprisonnement
de quatre militants des droits humains dans le procès Büyükada,
tout en s'attendant à un nouveau procès rapide du Président honoraire
d'Amnesty International Türkiye, Taner Kılıç, conformément à l’arrêt
de mai 2022 de la Cour européenne des droits de l’homme.
95. La commission a porté une attention particulière à l’environnement
électoral global en vue des élections présidentielles et législatives
de 2023. La législation électorale a été révisée le 25 avril 2022.
Tout en se félicitant de l’abaissement du seuil électoral de 10 %
à 7 %, la commission a dit partager les préoccupations exprimées
par la Commission de Venise dans son
avis
de juin 2022 concernant d’autres dispositions relatives à la composition
des bureaux électoraux ou à l’abus de pouvoir pendant les campagnes
électorales. Par ailleurs, malgré la demande de l’Assemblée et de
la
Commission
de Venise de ne pas la promulguer, la «loi sur la désinformation»
a été adoptée le 13 octobre. Les rapporteurs de l’Assemblée ont
déploré une disposition qui prévoit des peines de prison pour
qui diffuse des «informations fausses ou trompeuses», déclarant
qu’elle constituait «une ingérence qui n’est ni nécessaire, ni proportionnée
dans la liberté d’expression», susceptible de compromettre la tenue
d’élections libres et équitables.
96. Dans sa
Résolution
2459 (2022), l’Assemblée exhortait également les autorités à être
attentives à la situation des détenus gravement malades. Les rapporteurs
ont accueilli favorablement la remise en liberté, le 27 octobre,
de l’ancienne députée Aysel Tuğluk, qui aurait être libérée depuis
longtemps. Le 14 décembre, la commission de suivi a organisé une
audition sur le suivi de la
Résolution
2459 (2022) afin d’évaluer la mise en œuvre des recommandations
de l’Assemblée.
2.2.10 Ukraine
97. Du fait de l’agression militaire
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, les corapporteurs,
M. Alfred Heer (Suisse, ADLE) et M. Birgir Thórarinsson (Islande,
PPE/DC), n’ont pas pu se rendre dans le pays, en dépit de leurs
efforts et de ceux déployés par la délégation ukrainienne pour organiser
leur visite.
98. L’Assemblée suit de près la situation engendrée par l’agression
de la Fédération de Russie et l’a examinée en détail dans plusieurs
documents, à savoir: «Conséquences de l’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine» (
Doc.
15477), «Conséquences de l’agression persistante de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l’Europe»
(
Doc 15506), «L’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine:
faire en sorte que les auteurs de graves violations du droit international
humanitaire et d’autres crimes internationaux rendent des comptes»
(
Doc. 15510), «Conséquences humanitaires et migrations internes
et externes en lien avec l’agression de la Fédération de Russie
contre l’Ukraine» (
Doc 15547) et «Nouvelle escalade dans l’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine» (
Doc
15631).
99. Alors que la guerre retenait toute l’attention, les autorités
ont poursuivi sans relâche leurs efforts pour que les institutions
démocratiques et l’État de droit continuent à fonctionner, malgré
une situation rendue difficile par la guerre. Qui plus est, de nombreuses
réformes et initiatives législatives ont été élaborées et fait l’objet
de débats à la Verkhovna Rada, du fait également de la demande d’adhésion
de l’Ukraine à l’Union européenne et du statut de candidat qui lui
a été accordé. Les autorités méritent d’être félicitées pour leurs efforts,
mais il importe, parallèlement, de faire en sorte que les normes
et principes de la démocratie et de l’État de droit soient respectés
autant que possible, malgré les difficultés.
100. Aucun suivi normal des obligations et des engagements de l’Ukraine
n’est possible tant que la guerre se poursuit ; cela étant, les
rapporteurs ont continué à suivre la situation dans le pays concernant
les réformes en cours et le fonctionnement des institutions démocratiques.
À cet égard, la commission a organisé un échange de vues avec Mme
Mariia Mezentseva, présidente de la délégation ukrainienne, lors
de la partie de session de juin, et les rapporteurs et des représentants
du parti Solidarité européenne ont tenu une visioconférence sur
les réformes en cours en Ukraine, le 10 novembre 2022.
101. L’Ukraine a poursuivi son action visant à renforcer les institutions
de lutte contre la corruption. Le 28 juillet 2022, le procureur
général Andriy Kostin a nommé Oleksandr Klymenko à la tête du Bureau
du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption (SAPO).
M. Kostin lui-même n’avait été nommé procureur général que la veille,
le 27 juillet 2022, en remplacement de Mme Irina Venediktova, limogée
le 19 juillet pour n’avoir pas réagi de manière appropriée face
aux très nombreux cas de collaboration avec la Fédération de Russie
dans les parquets ukrainiens
Note.
Le mandat du directeur du Bureau national de lutte contre la corruption
(NABU), Artem Sytnyk, étant arrivé à échéance le 16 avril, son successeur
devrait être nommé d’ici fin 2022. Compte tenu du rôle important
du NABU dans la lutte contre la corruption en Ukraine, les autorités
sont instamment priées de faire le nécessaire pour que le successeur
de M. Sytnyk, qui bénéficie également de la pleine confiance du
peuple ukrainien, soit nommé sans retard excessif.
102. Le 5 novembre 2021, le Président Zelensky a signé l’entrée
en vigueur de la loi dite anti-oligarque. Bien que les objectifs
recherchés soient louables, la loi soulève un certain nombre de
questions, notamment le fait qu’une personne peut être déclarée
oligarque, et par conséquent considérablement limitée dans ses droits, par
une décision du Président en concertation avec le Conseil national
de sécurité et de défense, qui disposerait d’un très large pouvoir
discrétionnaire à cet égard et dont la décision ne peut faire l’objet
d’aucun recours devant les tribunaux. Le Commissaire aux droits
de l’homme de la Verkhovna Rada (médiateur), a fait part de ses
inquiétudes quant à la constitutionnalité de la loi, que la Verkhovna
Rada a soumise à la Commission de Venise pour avis. Malheureusement
aucun avis n’a pu être adopté à cause de la guerre. La loi étant
déjà appliquée, il est important que la Commission de Venise ne
tarde pas à finaliser son avis et que la Verkhovna Rada donne rapidement
effet à ses recommandations et prenne en compte ses éventuelles préoccupations.
103. La Verkhovna Rada a adopté le projet de loi sur les médias
le 30 août, en première lecture. Cette loi qui vise, entre autres,
à réglementer les médias en ligne et à renforcer les pouvoirs de
l’organe national de régulation des médias, aurait été élaborée
avec l’assistance de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Or,
plusieurs organisations de médias nationales et internationales
ont émis des réserves à propos du projet de loi qui, selon elles,
conférerait aux autorités un pouvoir discrétionnaire trop important
sur les médias et pourrait restreindre la liberté d’expression en
Ukraine. Malgré les conditions particulières imposées par la guerre,
les autorités sont instamment priées de veiller à ce que le projet
de loi final soit pleinement conforme aux normes et principes du
Conseil de l’Europe en matière de liberté d’expression et de liberté
des médias.
2.3 Dialogue
postsuivi
2.3.1 Bulgarie
104. Le dernier rapport de postsuivi
a été examiné par l’Assemblée en juin 2019. À cette occasion, elle
a décidé de poursuivre le dialogue postsuivi et invité les rapporteurs
à continuer à évaluer les progrès réalisés dans cinq domaines de
préoccupation spécifiques, notamment la corruption à haut niveau,
la transparence de la propriété des médias, les droits humains des
minorités, les discours de haine et la violence à l’égard des femmes.
105. Depuis juillet 2020, la Bulgarie fait face à une crise politique
majeure qui a entraîné la tenue de quatre élections législatives
anticipées successives – le 4 avril 2021, le 11 juillet 2021, le
14 novembre 2021 (le jour de l’élection présidentielle) et le 2
octobre 2022. Sur les 17 derniers mois, la Bulgarie a été dirigée
pendant neuf mois par des gouvernements provisoires.
106. La crise avait été déclenchée par des scandales de corruption,
un manque de respect de l’État de droit et les manifestations de
rue qui ont suivi. Depuis lors, l’environnement politique est marqué
par une fragmentation du paysage politique. La situation a été aggravée
par des préoccupations socio-économiques de plus en plus fortes
et un discours polarisé sur les politiques énergétiques et l’invasion
de l’Ukraine par la Fédération de Russie.
107. À la suite des élections législatives anticipées de novembre
2021, sept partis et coalitions politiques ont fait leur entrée
au parlement: à la surprise générale, une nouvelle coalition, Nous
continuons le changement (PP), fondée en mai 2021 (deux mois avant
les élections de juillet 2021) par deux ministres du gouvernement provisoire
de mai 2021, est arrivée en tête avec 25,3 % des suffrages; Citoyens
pour le développement européen de la Bulgarie (GERB-SDS) – (22,4 %);
Mouvement des droits et libertés (DPS) – 12,8 %; BSP pour la Bulgarie
(BSP) – 10 %; Il y a un tel peuple (ITN) – 9,3 %; Bulgarie démocratique
(DB) – 6,2 % et Revival – 4,8 %. Le PP a formé un gouvernement de
coalition dirigé par Kiril Petkov avec le BSP, l’ITN et le DB, qui
a permis de sortir le pays de l’impasse créée par les deux élections
législatives anticipées précédentes qui n’avaient permis à aucun
parti de former un gouvernement.
108. Par la suite, la coalition a connu des tensions dues notamment
à la nomination de hauts responsables et à la question de l’envoi
d’armes en Ukraine. Le 8 juin 2022, le parti ITN a quitté le gouvernement
en raison de désaccords au sujet du budget de l’État, de la politique
fiscale et de la levée du veto de la Bulgarie à l’ouverture des
négociations d’adhésion à l’Union européenne de la Macédoine du
Nord. Le 2 août 2022, au lendemain du vote de défiance au parlement
et suite à l’échec des trois mandats à former un nouveau gouvernement,
le Président Rumen Radev a dissous le parlement, conformément à
la Constitution, nommé un gouvernement intérimaire et fixé au 2
octobre la tenue de nouvelles élections.
109. Les élections d’octobre 2022 ont été marquées par la lassitude
des électeurs, comme en témoigne le faible taux de participation
(39,3 %). Pour les observateurs du Conseil de l’Europe, elles ont
permis une véritable mise en concurrence des différents candidats,
les libertés fondamentales ont été respectées et le cadre électoral
légal a constitué une base globalement adéquate pour la conduite
d’élections démocratiques. Malgré un calendrier serré, le scrutin
a été bien géré.
110. Le GERB-SDS a obtenu 24,4 % des suffrages (+8 sièges par rapport
aux élections précédentes); le PP 19,5 % (-14 sièges); le DPS 13,2 %
(+2 sièges); Renouveau 9,8 % (+14 sièges); le BSP 8,9 % (-1 siège);
le DB 7,1 % (+4 sièges). Avec 3,7 % des suffrages, le parti ITN
n’a pas atteint le seuil de 4 % des suffrages exprimés requis et
n’est donc pas représenté au parlement.
111. Malheureusement, les élections n’ont pas résolu la crise politique
et la composition actuelle du parlement ne prête pas à l’optimisme
puisqu’il n’y a pas de majorité pour former un gouvernement stable.
Au moment de la rédaction du rapport, il est encore trop tôt pour
savoir si un gouvernement pourra être formé ou si de nouvelles élections
anticipées devront être organisées au début de l’année prochaine.
112. Les rapporteures de suivi, Mme Thórhildur Sunna Ævarsdóttir
(Islande, SOC) et Mme María Valentina Martínez Ferro (Espagne, PPE/DC)
(toutes deux nommées en 2022), ont participé aux missions d’observation des
élections législatives par l’Assemblée et suivent la situation en
Bulgarie. Jusqu’à présent, la crise les a empêchées de préparer
le rapport de postsuivi complet qui, conformément au règlement,
mettra fin au dialogue postsuivi et sortira la Bulgarie du suivi
de l’Assemblée ou soumettra le pays à la procédure de suivi générale.
2.3.2 Monténégro
113. En 2022, le Monténégro a été
secoué par une forte crise politique qui est aussi le résultat de changements
intervenus depuis le scrutin de 2020, lequel a marqué un tournant
historique dans l’histoire du pays en écartant le DPS (Parti démocratique
des socialistes) du pouvoir.
114. Début février 2022, le gouvernement de M. Krivokapić a été
contraint de démissionner à l’issue d’un vote de défiance au parlement.
Le 3 mars, le Président de la République Milo Đukanović a demandé
à son ancien vice-Premier ministre Dritan Abazović de former un
gouvernement. Le 28 avril, au terme de longues négociations pour
parvenir à une majorité au sein d’un parlement divisé, le parlement
a approuvé le nouveau gouvernement de coalition dirigé par M. Abazović
(Premier ministre), le DPS s’engageant à lui apporter son soutien
sans en faire partie. Le principal objectif du nouveau gouvernement
était d’appliquer les réformes nécessaires pour accélérer l’adhésion
du Monténégro à l’Union européenne, y compris celles recommandées par
les organes de suivi du Conseil de l’Europe.
115. La visite du pays effectuée du 10 au 13 juillet par Damien
Cottier (Suisse, ADLE) et Nicos Tornaritis (Chypre, PPE/DC) a permis
aux corapporteurs de se livrer à un examen approfondi des progrès
accomplis dans les quatre domaines prioritaires dans lesquels l’Assemblée
souhaite poursuivre le dialogue postsuivi, à savoir l’indépendance
du pouvoir judiciaire, la confiance dans le processus électoral,
la situation des médias et la lutte contre la corruption.
116. Les autorités ont présenté un certain nombre de projets de
loi et se sont dites convaincues que la réforme électorale examinée
par une commission parlementaire spéciale sera adoptée avant la
tenue de nouvelles élections. La nomination des juges de la Cour
constitutionnelle et des membres du Conseil de la justice ne devrait
être qu’une question de semaines. Les nominations à la Cour constitutionnelle
sont urgentes car l’incapacité des partis politiques à surmonter
leurs désaccords laisse de nombreux postes vacants et le départ
à la retraite de l’un des juges, en octobre, laissera la Cour sans
quorum. Tous les partis politiques sont conscients de l’importance
de ces nominations pour l’État de droit et le bon fonctionnement
des institutions démocratiques.
117. Les progrès en matière de lutte contre la corruption sont
très encourageants. Les évaluations précédentes ont conclu que le
cadre juridique était satisfaisant mais qu’il manquait une volonté
politique pour le mettre en œuvre. Le bilan des enquêtes, des poursuites
et des condamnations définitives est faible. Une série d’affaires
de grande importance est attendue pour démontrer l’engagement à
combattre la corruption. Au cours de leur visite, les corapporteurs
ont rencontré le procureur général spécial, qui leur a dit recevoir
tout le soutien dont il avait besoin de la part des autorités, aussi
bien en termes de personnel que de moyens matériels. Dans les semaines
qui ont précédé la visite, l’arrestation de l’ancienne présidente
de la Cour suprême du Monténégro, Vesna Medenica, ainsi que de l’ancien
Président du tribunal de commerce, Blažo Jovanić, pourrait être
le signe d’une volonté politique de s’attaquer à la corruption.
118. Le débat politique s’est toutefois concentré sur l’adoption
d’un accord entre le gouvernement et l’Église orthodoxe serbe. De
tels accords existent avec toutes les autres communautés religieuses,
mais les liens avec l’Église orthodoxe serbe sont extrêmement sensibles
au Monténégro et nombreux sont ceux qui considèrent que le contenu
de l’accord est illégal et inconstitutionnel. À la suite de la décision
du gouvernement de conclure cet accord, le DPS a retiré son soutien
à Abazović et le 20 août, le parlement a adopté une nouvelle motion
de censure. Le gouvernement d’Abazović reste provisoirement en place
jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement ou la convocation
d’élections législatives anticipées.
119. Le 20 septembre, le Président Đukanović a proposé de convoquer
des élections anticipées après avoir refusé de valider le candidat
au poste de Premier ministre proposé par les trois blocs politiques
au pouvoir, Miodrag Lekić. Le Premier ministre sortant, Dritan Abazović,
a accusé le Président Đukanović d’abuser de ses droits constitutionnels
et de bloquer le dialogue politique.
120. Cette situation a compromis l’adoption de la réforme électorale
et la désignation des juges à la Cour constitutionnelle. Le parlement
n’ayant pas réussi à procéder à l’élection des juges à sa séance
du 21 octobre, la Cour constitutionnelle ne dispose plus du quorum
nécessaire pour statuer sur les litiges électoraux. Dans une déclaration
Note du
28 octobre, les corapporteurs ont déploré que le parlement ne soit
pas parvenu à prendre cette décision urgente et indispensable.
2.3.3 Macédoine
du Nord
121. En février 2022, les corapporteurs
de l'Assemblée sortants, Mme Lise Christoffersen
(Norvège, SOC) et M. Zsolt Csenger-Zalán (Hongrie, PPE/DC) ont soumis
à la commission une
note
d'information faisant le point sur les principaux faits nouveaux survenus
dans le pays depuis l'adoption de la
Résolution 2304 (2019). Depuis lors, la commission a nommé de nouveaux corapporteurs,
à savoir Mme Sibel Arslan (Suisse, SOC)
en février 2022 et Mme Ria Oomen-Ruijten
(Pays-Bas, PPE/DC) en octobre 2022.
122. A la suite de la démission du Premier ministre, M. Zaev, en
décembre 2021, le parlement a approuvé le 23 janvier 2022, par 62
voix (sur 108), la nomination d’un nouveau gouvernement dirigé par
M. Kovacevski et composé de ministres issus de l’Union sociale-démocrate
de Madécoine (SDSM), de l'Union démocratique pour l'intégration
(DUI), du nouveau partenaire de la coalition, le parti Alternative,
et du Parti démocratique des Albanais (DPA). Le parlement compte
actuellement 42% de députées et 35% de députés issus des communautés
non majoritaires, soit les chiffres les plus élevés jamais enregistrés.
123. Le pays a poursuivi son programme pro-européen. Malgré la
signature d'un traité d'amitié bilatéral en 2017, la Bulgarie a
bloqué l'adoption d'un cadre de négociation par le Conseil de l'Union
européenne (qui avait décidé, en mars 2020, d'ouvrir les négociations
d'adhésion). Les deux parties ont finalement accepté la «proposition
française» (la France assumait alors la présidence du Conseil de
l'Union européenne), qui exigeait une révision constitutionnelle
aux fins d’inclure une référence à la minorité bulgare dans le préambule de
la Constitution. (Cette proposition a déclenché des manifestations
qui ont eu lieu le 2 juillet à Skopje). La Bulgarie a levé son veto
le 24 juin. Le 16 juillet, le Parlement de la Macédoine du Nord
a approuvé une motion visant à modifier la Constitution (l'opposition
a boycotté le vote), tout en s'engageant à discuter des questions
en suspens avec le Gouvernement bulgare. La Macédoine du Nord et
la Bulgarie ont signé un accord bilatéral le 17 juillet qui a ouvert
la voie à l'ouverture des négociations d'adhésion à l'Union européenne le
19 juillet. Cependant, la révision de la constitution ne fait pas
l’objet d’une majorité au Parlement de Macédoine du Nord. La Commission
européenne a également mentionné dans son
rapport
2022 la polarisation persistante qui existe au parlement
entre les partis au pouvoir et l'opposition, le «blocage actif»
du parlement par le principal parti d'opposition, l’Organisation
révolutionnaire intérieure macédonienne – Parti démocratique pour
l’unité nationale macédonienne (VMRO-DPMNE), depuis mai 2022, et
l'absence de consensus qui retarde les nominations importantes de
hauts responsables. Sur une note positive, le parlement a nommé,
en novembre 2022, deux nouveaux juges à la Cour constitutionnelle.
Trois autres juges doivent être nommés pour que la Cour constitutionnelle
puisse fonctionner dans sa pleine capacité.
124. Les rapporteurs ont suivi de près l'évolution de la situation
en ce qui concerne la protection des minorités nationales. Tous
les résultats du recensement de 2021 n'ont pas encore été publiés.
Le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales (CCMN) a publié le 21 septembre 2022 son
Cinquième
avis sur la Macédoine du Nord, notant que le pays a fait
des progrès significatifs dans la protection juridique des minorités
nationales (nouvelle loi sur la prévention et la protection contre
la discrimination, stratégie «Une société ouverte et inclusive»),
mais ont noté que leur mise en application concrète est problématique.
La question de la participation des minorités à l'administration
de l'État continue également de poser un problème.
125. Dans le domaine de la lutte contre la corruption, la Macédoine
du Nord, qui affichait en 2021 un score de 39/100 sur l'
indice
de perception de la corruption de Transparency International (contre 35 en 2019 et
2020), était classée 87e sur 180 pays
(91e en 2020).
L'addendum
au deuxième rapport de conformité du GRECO (quatrième cycle d'évaluation) publié le 4
juillet indique qu'un nouveau Code de déontologie à l’usage des députés
et de nouvelles Lignes directrices connexes étaient en cours d'élaboration.
Sous réserve d'un certain nombre d'améliorations et de simplifications,
ce code fournira «un cadre approprié pour promouvoir l’intégrité et
guider le comportement éthique des députés», en ce qui concerne
notamment les conflits d’intérêts, les relations avec les lobbyistes,
les cadeaux, etc.
126. Dans l'ensemble, le GRECO a noté que les progrès de la mise
en œuvre de ses recommandations avaient été modestes. En ce qui
concerne le pouvoir judiciaire, le GRECO a pris note de l’extension
de l’éventail des sanctions applicables aux juges et s'est félicité
de l'adoption d'un nouveau code de déontologie à l’usage du Conseil
des procureurs publics. Il a cependant réitéré ses craintes relatives
au fait que les intentions antérieures des autorités de retirer
officiellement le ministre de la Justice de la composition du Conseil
de la magistrature ne s’étaient toujours pas concrétisées, malgré
l’influence politique que ce ministre est susceptible d’exercer.
127. La Commission d'État pour la prévention de la corruption continue
de jouer un rôle proactif. Donnant suite au Rapport de conformité
du Cinquième cycle d'évaluation du GRECO de 2021, la Macédoine du
Nord a adopté des amendements à la loi sur les affaires intérieures
et à la loi sur la police en avril 2022.
2.4 Examens
périodiques
2.4.1 France
128. Les travaux sur l'examen périodique
des obligations de la France découlant de son adhésion ont été limités
au cours du premier semestre de l'année en raison des campagnes
électorales liées à l’élection présidentielle et aux élections législatives,
que les rapporteures Mme Fiona O’Loughlin
(Irlande, ADLE) et Mme Yelisaveta Yasko
(Ukraine, PPE/DC) ont suivies de près.
129. Selon le rapport final de l'OSCE/BIDDH, la campagne électorale
a été concurrentielle et s'est déroulée dans un climat d’apaisement
et d’ouverture, ainsi que dans le respect des libertés fondamentales.
Tous les candidats ont élaboré des programmes de campagne complets,
abordant sans détour l'augmentation du coût de la vie, la réforme
des retraites, la criminalité, l'emploi, les soins de santé, l'immigration
et d'autres questions. La guerre en Ukraine a dominé le cycle de
l'information tout au long de la campagne. Celle-ci a été marquée par
une visibilité généralement équilibrée des femmes, qu’elles aient
été intervenantes ou participantes, et par l’inclusion de messages
sur l'égalité des genres dans les discours de la plupart des candidats.
Le matériel de campagne était également accessible aux personnes
souffrant de différents handicaps.
130. Certaines préoccupations ont été soulevées quant à l'influence
de la concentration croissante de la propriété des médias sur la
liberté éditoriale. La couverture médiatique disproportionnée du
candidat d'extrême droite à la présidence, M. Éric Zemmour, qui
a entraîné l'intervention des instances de régulation, a pu avoir une
influence sur les thèmes, la tonalité et l'issue de la campagne.
131. Le premier tour de l'élection présidentielle a placé clairement
en tête trois candidats : le président sortant M. Emmanuel Macron,
la candidate d'extrême-droite Mme Marine
Le Pen et le candidat d'extrême-gauche M. Jean-Luc Mélenchon. Au
second tour, M. Emmanuel Macron a été réélu face à Mme Marine
Le Pen. Les élections législatives qui ont suivi ont confirmé la
division de l'électorat en trois blocs principaux: une coalition de
gauche et d'écologistes, «la Nouvelle union populaire écologique
et solidaire» (Nupes), une coalition centrale soutenant le président
Macron, «Ensemble citoyens et le parti d'extrême droite soutenant
Marine Le Pen, «Rassemblement national». Avec 245 sièges, la coalition
soutenant M. Emmanuel Macron n'a pas atteint la majorité absolue
tandis que l'union de la gauche et des écologistes a obtenu 142
sièges et que le Rassemblement national a fait une percée inattendue,
obtenant 89 sièges et surclassant le parti de droite traditionnel
«Les Républicains».
132. L'absence de majorité absolue pour le président élu est un
fait qui n’avait jamais eu de précédent en France depuis l’adoption
du mandat présidentiel de 5 ans en 2000. M. Emmanuel Macron a nommé Mme Élisabeth
Borne au poste de Première ministre, la deuxième femme à assumer
de telles responsabilités en France après Mme Édith
Cresson en 1991. Faute de majorité absolue, le gouvernement est
sous la menace d'un vote de défiance, tandis que le président a
le pouvoir constitutionnel de convoquer des élections législatives
anticipées.
133. La commission a entendu Mme Claire
Hédon, Défenseure des droits de la République française, en avril. Dans
le sillage des élections législatives, les corapporteurs ont tenu
plusieurs réunions avec d'importantes organisations de la société
civile, notamment lors d'une visite de pays en septembre. L'exécution
des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, notamment
en ce qui concerne la situation dans les prisons françaises, le
fonctionnement du système judiciaire, les pratiques en matière d'application
de la loi et l'indépendance des médias ont fait partie des sujets
abordés.
134. La nouvelle délégation parlementaire française à l'Assemblée
a reçu ses pouvoirs lors de la partie de session d'octobre et à
cette occasion, la commission a procédé à un échange de vues sur
l'état de la procédure en présence de M. Bertrand Bouyx, président
de la délégation parlementaire française et vice-président de notre
Assemblée.
135. À la suite de la décision du Bureau de proroger la validité
du mandat de trois rapports d'examen périodique, les corapporteures
ont prévu de rendre visite aux autorités peu après la partie de
session de janvier 2023 afin de soumettre le rapport final pour
débat au cours de la partie de session de juin.
2.4.2 Hongrie
136. En 2022, la commission de suivi
a achevé l’élaboration du rapport d'examen périodique sur le respect des
obligations découlant de l'adhésion de la Hongrie au Conseil de
l'Europe qu’elle avait initié en 2020. La commission était convenue
que le rapport se concentrerait sur l'indépendance du pouvoir judiciaire,
la situation des médias et les questions de bonne gouvernance.
137. Cette année a été marquée par l'organisation d'élections législatives
le 3 avril 2022, qui se sont soldées par la victoire de l'Alliance
civique hongroise (Fidesz) et de son partenaire de coalition, le
Parti populaire chrétien-démocrate (KDNP). En conséquence, cette
coalition bénéficie, presque sans interruption depuis 2010, d'une
majorité parlementaire des deux tiers.
138. Le BIDDH a noté que les élections avaient été organisées de
manière efficace et professionnelle mais qu'elles avaient été entachées
d'un manque de transparence et d'équilibre dans la couverture médiatique.
La campagne, qui s’est déroulée dans un climat très négatif, a été
caractérisée par de nombreuses intrications entre la coalition au
pouvoir et le gouvernement. Les dépenses importantes et non réglementées
engagées par des entités autres que les candidats à l'élection,
notamment par le biais de publicités sur les réseaux sociaux, ont
largement favorisé le parti au pouvoir et confirmé les préoccupations
antérieures du GRECO concernant le financement des partis politiques
et des campagnes électorales. Dans son
avis
d'octobre 2021, la Commission de Venise avait averti que le principal
effet de la réforme électorale serait de favoriser les candidats
sortants. La commission de suivi est donc parvenue à la conclusion
que le cadre électoral actuel ne garantit pas des conditions propices
à la tenue d'élections équitables.
139. Après ces élections, les rapporteurs de l'Assemblée, MM. George
Papandreou (Grèce, SOC) et Eerik-Niiles Kross (Estonie, ADLE), ont
effectué une visite dans le pays en juin 2022. Ils
ont
exprimé leur inquiétude concernant le recours à des ordres juridiques spéciaux,
en particulier la déclaration récente de l’«état de danger» (votée
le 24 mai 2022) faisant suite au déclenchement de la guerre en Ukraine,
malgré une majorité parlementaire des deux tiers dont jouit la coalition
au pouvoir. Leurs préoccupations ont ensuite été confirmées par
la décision du Parlement hongrois de prolonger, à compter du 1er novembre
2022, l’«état de danger» jusqu'à 180 jours, autant de fois que nécessaire,
un acte qui a poussé les rapporteurs à réagir.
140. La commission a observé que l'exercice incontesté du pouvoir
par la même coalition a réduit l'efficacité du système de freins
et contrepoids et a renforcé l'influence de la coalition au pouvoir
sur les organes de l'État et les principales institutions indépendantes.
Les questions relatives à l'État de droit et à la démocratie soulevées
par l’Assemblée depuis 2013, notamment la concentration excessive
des pouvoirs, sont restées largement sans réponse. L'utilisation
généralisée de lois cardinales, le déséquilibre des pouvoirs entre
les organes judiciaires et, plus récemment, la création de «fondations
d'intérêt public» sont également préoccupants.
141. La commission de suivi a conclu lors de sa réunion du 14 septembre
que les effets cumulés des mesures préjudiciables à l'indépendance
du pouvoir judiciaire, à la situation des médias, à la transparence
et à l'obligation pour les institutions de l'État de rendre des
comptes compromettent globalement le fonctionnement des institutions
démocratiques. Elle a proposé de continuer à suivre de près les
développements relatifs au fonctionnement des institutions démocratiques
et de l’État de droit en Hongrie.
142. Le 13 octobre, pendant la session plénière, l’Assemblée a
décidé, dans sa
Résolution
2460 (2022), d’ouvrir une procédure de suivi à l’égard de la Hongrie
jusqu’à ce que les préoccupations susmentionnées soient traitées
de manière satisfaisante. La commission devrait désigner deux corapporteur·e·s
pour le suivi de la Hongrie lors d’une prochaine réunion.
2.4.3 Malte
143. Le 23 juin 2022, l'Assemblée
a adopté la
Résolution
2451 (2022) «Le respect des obligations découlant de l'adhésion
au Conseil de l'Europe de Malte» en se fondant sur un rapport d'examen
périodique élaboré par les corapporteurs MM. Bernard Fournier (France,
PPE/DC) et George Loucaides (Chypre, GUE).
144. Dans cette résolution, l'Assemblée notait que les rapports
de la Commission de Venise et de la Commission d'enquête indépendante
établie par les autorités maltaises sur recommandation de l'Assemblée à
la suite de l'assassinat de Mme Daphné
Caruana Galizia avaient mis au jour un dysfonctionnement systémique
des institutions démocratiques et de l'État de droit ainsi qu’une
culture d'impunité de la classe politique pour ce qui est des conflits
d'intérêts et de la corruption.
145. L'Assemblée s'est donc félicitée des réformes ultérieures
engagées par les autorités en ce qui concerne l'indépendance du
pouvoir judiciaire et les procédures de nomination à des postes
officiels, mais elle a estimé qu'une réforme complète et globale
des institutions démocratiques et du système de freins et de contrepoids de
Malte était encore nécessaire et urgente. Elle a donc formulé une
série de recommandations concrètes à cet égard et a notamment recommandé
aux autorités de mettre en œuvre une réforme en profondeur du Parlement
maltais dans le but de créer une instance à temps plein capable
d'assurer un contrôle parlementaire approprié et de reprendre l'initiative
législative.
146. La vulnérabilité persistante du secteur public maltais à la
corruption reste un sujet de préoccupation. Malgré la perception
élevée de la corruption, une stratégie globale cohérente visant
à prévenir ce fléau dans les institutions publiques fait toujours
défaut. Cette situation a créé une culture de l'impunité à laquelle
les autorités doivent s'attaquer comme une extrême priorité. Dans
ce contexte, l'Assemblée a recommandé à Malte de supprimer son programme
de «citoyenneté par l’investissement». Malheureusement, aucune mesure n'a
été prise en ce sens par les autorités. Le 29 septembre 2022, la
Commission européenne a assigné Malte devant la Cour de justice
de l’Union européenne au sujet de ce programme, faisant écho aux
réserves de l'Assemblée. Parallèlement, en juin de cette année,
le Groupe d'action financière (GAFI) a retiré Malte de sa liste
grise des juridictions faisant l'objet d'une surveillance renforcée,
ce qui est une évolution positive.
147. La polarisation de l’espace médiatique et les défis auxquels
sont confrontés les médias, notamment les menaces visant directement
des journalistes, ont une incidence négative sur la liberté de la
presse à Malte et restent un sujet de grave préoccupation. La création
d'un comité d'experts des médias, dirigé par le juge Michael Mallia,
ancien président de la Commission d'enquête indépendante sur le
meurtre de Mme Daphne Caruana Galizia,
et la réponse du gouvernement à ce sujet est un signal positif indiquant
que les autorités souhaitent répondre à ces préoccupations, ce dont
il faut se féliciter.
148. Malte continue d'être l'un des pays européens où le nombre
de poursuites stratégiques contre la mobilisation publique per capita demeure le plus élevé.
Cette situation est préoccupante. Le comité d'experts des médias
susmentionné a proposé trois projets de loi dont le parlement est
actuellement saisi et qui visent à lutter contre les abus découlant
de ces poursuites. Il est important que ces dispositions légales
soient adoptées et mises en œuvre sans plus attendre.
2.4.4 Pays-Bas
149. L'élaboration du rapport sur
les Pays-Bas n’a fait que commencer en raison de la charge de travail
de la commission de suivi. Grâce à la prolongation de la saisine
jusqu'au 19 septembre 2023, les rapporteurs, M. Antonio Gutiérrez
Limones (Espagne, SOC) et Mme Stephanie
Krisper (Autriche, ADLE) auront davantage de temps pour mener à
bien leur travail.
150. Le 14 septembre 2022, la commission a tenu une audition sur
le fonctionnement des institutions démocratiques aux Pays-Bas en
mettant un accent particulier sur l’affaire des allocations familiales, avec
la participation de M. Chris Van Dam, ancien président de la commission
d'enquête parlementaire sur les allocations familiales de la Chambre
des représentants des Pays-Bas, Mme Claire
Bazy Malaurie, Présidente de la Commission de Venise, et M. Ruard
Ganzevoort, Chef de la commission d'enquête parlementaire sur l'efficacité
de la législation anti-discrimination du Sénat néerlandais.
151. Les rapporteurs ont l'intention de se rendre à La Haye au
début de l'année 2023.
2.4.5 Roumanie
152. Les rapporteurs ont présenté
un avant-projet de rapport à la commission en juin 2022. Le document contenait
un certain nombre de préoccupations concernant l'État de droit,
la démocratie pluraliste et le respect des droits humains, lesquelles
avaient été soulevées lors des contacts noués avec des représentants
de la société civile nationale et internationale en Roumanie, et
en se fondant sur les rapports de suivi des différents organes de
suivi du Conseil de l'Europe. L’avant-projet a ensuite été envoyé
à la délégation roumaine pour commentaires et a servi de base aux
discussions des rapporteurs avec les autorités roumaines lors de
leur visite à Bucarest du 4 au 5 juillet 2022. Le rapport révisé
et le projet de résolution tenant compte des conclusions de la visite
et des commentaires des autorités ont été soumis à la commission
de suivi et adoptés le 14 septembre 2022. Le débat à l'Assemblée
a eu lieu le 13 octobre 2022 et la
Résolution 2466 (2022) a été adoptée à cette occasion.
153. La commission de suivi a prêté une attention particulière
à la réforme en cours du système judiciaire en Roumanie. Le 24 janvier
2022, elle a demandé l'avis de la Commission de Venise sur le projet
de loi démantelant la Section chargée des enquêtes sur les infractions
commises au sein du pouvoir judiciaire et le 14 septembre 2022,
elle lui a demandé son avis sur trois projets de loi sur la justice:
sur le statut des magistrats, sur l'organisation du pouvoir judiciaire
et sur le Conseil supérieur de la magistrature. L'avis de la Commission de
Venise sur le premier sujet a été pris en compte dans le rapport;
le second est attendu en décembre 2022. La commission s'est déclarée
convaincue que les réformes en cours se poursuivront en coopération
avec la Commission de Venise et le GRECO et conformément à leurs
recommandations.
154. La commission a noté avec satisfaction que depuis son adhésion,
la Roumanie a fait des progrès considérables vers le respect des
normes du Conseil de l'Europe dans des domaines essentiels pour
le fonctionnement des institutions démocratiques, notamment le système
judiciaire et la lutte contre la corruption.
155. Cependant, certains points suscitent une certaine inquiétude,
notamment en ce qui concerne la liberté des médias et le manque
de transparence qui caractérise l’utilisation des fonds publics
par les partis politiques pour financer des médias dans le but d’influer
sur leur contenu.
156. La commission est convenue de continuer à suivre l'évolution
de la situation en Roumanie dans le cadre de son suivi périodique.
Elle estime également qu’il serait bon d'envisager l'élaboration
du prochain rapport sur la Roumanie dans un délai de cinq ans.
2.4.6 Saint-Marin
157. Le 3 février 2021, Saint-Marin
a été sélectionné pour un examen périodique de ses obligations de membre
découlant de l’adhésion au Conseil de l'Europe. Cette décision a
été ratifiée par l'Assemblée le 19 mars 2021. Le 19 avril 2021,
M. Andrej Hunko (Allemagne, GUE) et M. Viorel-Riceard Badea (Roumanie,
PPE/DC) ont été nommés rapporteurs pour Saint-Marin. Dans le cadre
de la préparation de leur rapport, les rapporteurs ont effectué
une visite d'information dans le pays du 24 au 26 octobre 2022.
Il est prévu que leur rapport sur le respect par Saint-Marin des
obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe soit débattu
par l'Assemblée lors de sa partie de session d'avril 2023.
158. Saint-Marin est à la fois un micro-État et la plus ancienne
République existante au monde, dont les structures de gouvernement
ont évolué à partir des structures de la République romaine. Son
indépendance historique à l'égard des puissances extérieures, sa
dépendance à l'auto-gouvernance par ses citoyens, ainsi que les
conditions et les défis liés au fait qu'il s'agit d'un micro-État,
ont entraîné le développement d'un système de gouvernement unique
basé sur des structures de gouvernement collégiales qui sont partagées entre
les citoyens pour des mandats déterminés. Il en résulte une très
grande proximité entre les citoyens et leurs structures politiques
et gouvernementales, ainsi qu'entre les différentes branches du
pouvoir qui sont souvent imbriquées. Si cette situation est le reflet
de la société resserrée et interconnectée du pays, elle soulève
également des questions sur le fonctionnement du système d'équilibre
des pouvoirs et de séparation des pouvoirs dans le pays, notamment
en ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire. En outre,
des questions ont été soulevées, notamment par le GRECO dans le
cadre de son quatrième cycle d'évaluation, concernant la vulnérabilité
de ces institutions aux conflits d'intérêts et à la corruption.
159. À l'issue de leur visite, les corapporteurs se sont donc félicités
des réformes en cours visant à renforcer l'indépendance du pouvoir
judiciaire et le système de freins et de contrepoids dans le pays.
Dans le même temps, ils ont souligné que ces réformes ne devaient
pas être considérées comme la fin du chemin, mais comme le point
de départ de nouvelles réformes visant à garantir que le fonctionnement
de ces institutions reste bien adapté aux défis posés par le fait
que Saint-Marin est un micro-État, et à remédier à toute vulnérabilité
de ces institutions aux conflits d'intérêts et à la corruption.
Dans ce contexte, les rapporteurs ont souligné la nécessité pour
les autorités de veiller à ce que ces réformes, ainsi que les lois
et décrets adoptés, soient effectivement mis en œuvre de manière
complète et cohérente. Cela contribuera également à maintenir la
confiance des citoyens de Saint-Marin dans les institutions démocratiques
et dans leur fonctionnement efficace.
2.5 Sous-commission
sur les conflits concernant les États membres du Conseil de l’Europe
160. Comme déjà indiqué aux paragraphes
22 et 71, au cours de la période considérée, la sous-commission a
organisé deux auditions sur l’évolution de la situation concernant
le processus de règlement du conflit transnistrien avec la participation
de M. Oleg Serebrian, Vice-premier ministre pour la réintégration
de la République de Moldova et de M. Klaus Neukirch, Chef de la
mission de l'OSCE à Chisinau. Elle a également reconfirmé son intention
d'organiser un séminaire sur la contribution du Conseil de l'Europe
à la promotion des droits humains dans la région de Transnistrie
de la République de Moldova, avec la participation des autorités moldaves
et des autorités de facto de
Tiraspol, ainsi que sur les faits nouveaux survenus dans les régions géorgiennes
d'Abkhazie et de Tskhinvali/Ossétie du Sud et sur l'état d'avancement
des discussions internationales de Genève avec la participation
de M. Lasha Darsalia, premier Vice-ministre des Affaires étrangères
de Géorgie.
161. La sous-commission a tenu un échange de vues sur son programme
de travail et ses activités futures et a décidé d'organiser un séminaire
sur « les aspects des droits humains dans le processus de règlement
du conflit transnistrien et le rôle du Conseil de l'Europe » début
2023 à Strasbourg. Elle a également réfléchi à l'organisation et
au format possibles d'une réunion sur les liens entre la paix et
la justice et a décidé de revenir sur cette question.
2.6 Les
hostilités militaires entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
162. Les rapporteurs sur l'Arménie
(M. Kimmo Kiljunen, Finlande, SOC et Mme Boriana Åberg, Suède, PPE/DC)
et sur l'Azerbaïdjan (M. Ian Liddell-Grainger, Royaume-Uni, CE/AD
et Mme Lise Christoffersen, Norvège, SOC) ont continué à suivre
de près l'évolution des relations entre les deux pays, notamment
en ce qui concerne (la question du) Haut-Karabakh.
163. Le 11 janvier 2022, de nouvelles hostilités militaires ont
éclaté à la frontière arméno-azerbaïdjanaise, au cours desquelles
trois Arméniens et un militaire azerbaïdjanais auraient été tués.
La mise en œuvre des deux déclarations trilatérales du 11 janvier
2021 et des 9-10 novembre 2020 a été remise en question. Dans le même
temps, le mécanisme de médiation officiel, le groupe de Minsk de
l'OSCE, sous la présidence conjointe de la Fédération de Russie,
des États-Unis et de la France, semblait être dans l'impasse. En
conséquence, des efforts de médiation parallèles ont été développés
par la Fédération de Russie, l'Union européenne et les États-Unis.
164. Le 4 février, des entretiens en ligne ont eu lieu entre le
Premier ministre Pashinian et le Président Aliyev, avec la participation
du Président français Emmanuel Macron et du Président du Conseil
européen, Charles Michel, afin de faciliter les négociations de
paix.
165. Le 8 mars, le gazoduc par lequel le gaz est fourni de l'Arménie
au Haut-Karabakh a été endommagé sur une section située dans une
zone qui est sous le contrôle de l'Azerbaïdjan suite à la guerre
de 2020, coupant l'approvisionnement en gaz de la population du
Haut-Karabakh. L'Azerbaïdjan n'a pas autorisé l'accès de l'Arménie
à la section du gazoduc endommagée et, après 10 jours de négociations,
a réparé le gazoduc lui-même. Une semaine plus tard, le 24 mars,
le cessez-le-feu a été rompu dans la région lorsque les troupes azerbaïdjanaises
ont avancé dans la zone de responsabilité des casques bleus russes.
166. Le 8 avril et le 23 mai, deux réunions supplémentaires entre
le Président Aliyev et le Premier ministre Pashinian ont eu lieu
à Bruxelles en présence du Président du Conseil européen Charles
Michel. Une commission bilatérale sur la délimitation et la démarcation
des frontières a été créée mais n'a pas encore obtenu de résultats
concrets.
167. Le 30 juillet, des violations du cessez-le-feu ont été signalées
dans la région du Haut-Karabakh et sur la frontière internationalement
reconnue entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Le 2 août, la mission
russe de maintien de la paix a confirmé que l'Azerbaïdjan avait
violé le cessez-le-feu à plusieurs reprises. L'Arménie et l'Azerbaïdjan
ont exprimé leur mécontentement quant à la mise en œuvre des déclarations
trilatérales. L'Azerbaïdjan a exigé le retrait complet des forces
armées arméniennes du territoire du Haut-Karabakh; l'achèvement
d'un corridor sous son contrôle pour relier l'Azerbaïdjan continental
à l'enclave de Nakhitchevan; et la construction d'une nouvelle route
remplaçant le corridor de Lachin entre l'Arménie et le Haut-Karabakh.
168. Le 31 août, une quatrième réunion entre le Président Aliyev
et le Premier ministre Pashinian a eu lieu à Bruxelles avec la médiation
du Président du Conseil européen. Des progrès ont été réalisés,
puisqu'il a été décidé de discuter du texte d'un traité de paix
dans un délai d'un mois, de résoudre les questions humanitaires en
suspens, de réunir la Commission de délimitation des frontières
à Bruxelles en novembre et de débloquer les voies de transport.
169. Les 12, 13 et 14 septembre 2022, de nouvelles hostilités ont
éclaté à grande échelle le long de la frontière arméno-azerbaïdjanaise,
lorsque les forces armées azerbaïdjanaises ont mené une offensive
de l’autre côté de la frontière et avancé en territoire arménien
internationalement reconnu, avec notamment des frappes d'artillerie
et l'utilisation de drones, frappant des cibles sur le territoire
arménien tout en affirmant avoir répondu à des «provocations arméniennes
de grande ampleur». Un cessez-le-feu a été conclu, mais il s’agissait
des pires affrontements depuis 2020; 200 soldats arméniens et 80
militaires azerbaïdjanais ont été tués et plus de 7 500 civils arméniens
ont dû fuir leurs maisons.
170. Les 6 et 7 octobre, une réunion à deux tours entre le Président
Aliyev et le Premier ministre Pashinian, sous la médiation de l'Union
européenne et de la France, a eu lieu à Prague. Une déclaration
a été adoptée dans laquelle, pour la première fois, l'Azerbaïdjan
et l'Arménie ont reconnu mutuellement leur intégrité territoriale.
Il a été convenu qu'une mission civile de l'Union européenne patrouillerait
pendant deux mois à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
afin d'aider à réduire les tensions et de fournir une assistance
à la Commission de délimitation des frontières.
171. Le 10 octobre, à l'initiative de la commission de suivi, l'Assemblée
a tenu un débat d'actualité intitulé «Hostilités militaires entre
l'Azerbaïdjan et l'Arménie, en particulier les frappes contre des
implantations et infrastructures civiles». Le 13 octobre, les corapporteurs
pour l'Arménie ont publié une déclaration appelant les autorités
azerbaïdjanaises à se retirer immédiatement de toutes les parties
du territoire de l'Arménie et à libérer les prisonniers de guerre
sous leur contrôle.
172. Le 1er novembre, une quatrième
réunion trilatérale a eu lieu à Sotchi entre les Présidents Poutine
et Aliyev et le Premier ministre Pashinian. Dans la déclaration
tripartite finale, l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont réitéré leur engagement
à s'abstenir de recourir à la force ou à la menace de recours à
la force, et sont convenus de discuter et de résoudre toutes les
questions problématiques uniquement sur la base de la reconnaissance
mutuelle de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'inviolabilité
des frontières, conformément à la Charte des Nations unies et à
la déclaration d'Alma-Ata de 1991.
2.7 Fédération
de Russie
173. Jusqu'à son exclusion du Conseil
de l'Europe le 23 mars 2022, la Fédération de Russie était soumise
à un suivi parlementaire complet. Les rapporteurs de l'époque, M. Axel
Schäfer (Allemagne, SOC) et Mme Ria Oomen-Ruijten
(Pays-Bas, PPE/DC), se sont rendus à Moscou du 28 juin au 1er juillet
2021. Suite aux discussions menées lors de leur visite, ils avaient
l’intention d’élaborer, sur la base des recommandations de la Commission
de Venise, une feuille de route accompagnée d'un calendrier concret,
laquelle recenserait les mesures concrètes visant à répondre aux
préoccupations soulevées. Ils étaient convenus avec la délégation russe
de définir, en avril 2022, des actions concrètes se traduisant par
des modifications tangibles de la législation assorties de délais
pour leur réalisation.
174. Au cours de la première partie de session de 2022, le 24 janvier
2022, les pouvoirs non encore ratifiés de la délégation russe ont
été contestés pour des raisons substantielles et de procédure sur
la base des articles 8 et 7 du Règlement de l'Assemblée. Les principaux
motifs de contestation concernaient des violations des principes
fondamentaux du Conseil de l'Europe consacrés par l'article 3 et
le préambule de son Statut (STE n° 1), le non-respect par la Fédération
de Russie des recommandations de l'Assemblée qui lui avaient été
adressées et figurant dans des résolutions antérieures pertinentes,
en particulier les
Résolutions
1990 (2014), 2034 (2015), 2063 (2015), 2292 (2019),
2320 (2020) et
2363 (2021), de nouvelles violations de l'État de droit et de la
démocratie, du respect des libertés fondamentales et des droits
humains, et, plus généralement, le non-respect par la Fédération
de Russie de ses engagements et obligations au sein du Conseil de
l'Europe. La contestation des pouvoirs a fait suite à des contestations
similaires soumises en juin 2019 (lors du retour de la délégation
russe à l'Assemblée après son absence depuis 2015), en janvier 2020
et en janvier 2021.
175. Conformément à l’article 8.3 du Règlement, la commission de
suivi a été saisie pour rapport sur les raisons substantielles et
la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles
pour avis. Conformément à la pratique de la commission, j'ai été
chargé, en tant que président de la commission, de l’établissement
du rapport.
176. Le rapport approuvé par la commission et soumis à l'Assemblée
(
Doc.15443) souligne la dégradation de la situation en ce
qui concerne le pluralisme, les droits humains et les libertés fondamentales
dans la Fédération de Russie, qui s’est manifestée par la répression
des opposants politiques, de la société civile indépendante, des
voix dissidentes et des journalistes exprimant des critiques. Déplorant
la fermeture de Mémorial et la situation critique de M. Alexei Navalny,
le rapporteur évoquait par ailleurs les graves lacunes constatées
lors des élections législatives de 2021 et exprimait les craintes
suscitées par la détérioration des relations avec ses voisins et
l'escalade des tensions menaçant la sécurité européenne.
177. Dans le même temps, la commission a souligné que l'Assemblée
constituait la seule plateforme parlementaire paneuropéenne encourageant
l’instauration d’un dialogue politique avec la participation de
tous les pays européens. Elle a donc estimé que l'approbation des
pouvoirs serait bénéfique à l'objectif poursuivi par le Conseil
de l'Europe et permettrait à l'Assemblée de favoriser le dialogue
politique sur les moyens possibles de remédier aux lacunes concernant
le fonctionnement des institutions démocratiques de la Fédération
de Russie et de suivre les progrès dans ce domaine. Elle a également
souligné les avantages évidents que l'accès à la Cour européenne
des droits de l'homme offrait aux 160 millions de citoyens russes, bien
que d'autres délégations aient mis en doute la volonté des autorités
russes d'appliquer les arrêts de la Cour jugés contraires à leurs
objectifs politiques. La commission a donc proposé que l’Assemblée
ratifie les pouvoirs de la Fédération de Russie et reprenne l’examen
des progrès accomplis lors de la présentation du rapport de suivi
dans le courant de l’année (
Résolution
2422 (2022)).
178. L’exclusion de la Fédération de Russie a mis fin à la procédure
de suivi parlementaire, qui est strictement réservée aux États membres.
Certes, l'Assemblée peut, et doit, poursuivre ses travaux relatifs
à la situation politique en Fédération de Russie, mais le mandat
de la commission de suivi se limite aux États membres du Conseil
de l'Europe et ne peut donc concerner la Fédération de Russie que
dans la mesure où ses politiques touchent à des questions couvertes
par la procédure de suivi d'autres États membres. C'est particulièrement
le cas pour les travaux de la sous-commission sur les conflits entre
les États membres du Conseil de l'Europe.
179. Afin de préserver le travail accompli par la commission de
suivi à l'égard de la Fédération de Russie avant l’exclusion, les
anciens rapporteurs ont décidé, avec l'accord de la commission,
de préparer une note d'information (
AS/Mon(2022)09). Cette note n'avait pas pour objet d'évaluer l'état
d'exécution des obligations et engagements de la Russie envers le
Conseil de l'Europe, ni de recenser les préoccupations restées en suspens
concernant la démocratie, l'État de droit et les droits humains
dans la Fédération de Russie pendant toute la période couverte par
le présent rapport. Ces informations figurent dans les rapports
de la commission de suivi soumis à l'Assemblée ou dans les notes
d'information déclassifiées établies au cours des 26 années de procédure
de suivi concernant la Fédération de Russie. Il s'agissait plutôt
de faire le point sur la procédure de suivi parlementaire concernant
la Fédération de Russie et sur le travail accompli par la commission
et les rapporteurs en vue de recenser les éventuelles lacunes, d’y
réfléchir et de tirer des enseignements pour l'avenir.
3 Quelques
réflexions sur la manière d'améliorer les méthodes de travail de
la commission de suivi pour améliorer son efficacité et renforcer
son impact
180. Dans le rapport d’activité
2021, mon prédécesseur a soulevé la question de l’établissement
des rapports de suivi, et en particulier de la validité des saisines
pour des examens périodiques de suivi. Pour rappel, conformément
au Règlement, la commission de suivi dispose d'un mandat permanent
pour traiter avec les pays soumis à une procédure complète de suivi
ainsi qu'avec les pays engagés dans le dialogue postsuivi. L’établissement
d'un tel rapport ne nécessite pas une saisine particulière du Bureau.
Le mandat de la commission l'oblige à présenter les rapports par
pays avec une certaine fréquence qui, malheureusement, pour un certain
nombre de raisons, ne peut pas toujours être respectée.
181. La situation est différente en ce qui concerne les examens
périodiques de suivi. Après que l'Assemblée eut décidé que la commission
établirait des rapports de suivi périodiques sur les États membres
qui ne sont pas soumis à une procédure de suivi complète sous la
forme de rapports distincts à l'Assemblée, sur la base d'un processus
de sélection fondé sur des raisons substantielles, la commission
est convenue dans ses méthodes de travail internes, qu'elle choisirait,
une fois par an, un certain nombre de pays pour un tel rapport. Elle
a ainsi choisi trois pays pour le premier cycle en 2019 (Malte,
Hongrie et Roumanie), et trois pays pour le second cycle en 2020
(France, Pays-Bas et Saint-Marin). Elle a l’intention de procéder
au choix de nouveaux pays à l’issue de la modification de certaines
dispositions réglementaires.
182. Actuellement, conformément à l'article 26 du Règlement, le
mandat concernant l’établissement d’un rapport périodique de suivi
est de deux ans. L'expérience a montré que cette période est trop
courte et ce constat a conduit la commission à demander régulièrement
des prolongations de mandat. Si d’autres commissions de l'Assemblée
n’éprouvent pas de difficultés à respecter ce délai strict, la procédure
spécifique qui existe au sein de la commission de suivi empêche
quasiment celle-ci de s’y conformer.
183. Plusieurs raisons ralentissent considérablement l’élaboration
des rapports périodiques, notamment le mode de désignation des rapporteurs
impliquant des groupes politiques (deux pour chaque rapport), le processus
d'élaboration en plusieurs étapes comprenant une visite et un certain
délai pour que les autorités fassent des commentaires et, enfin
et surtout, la nécessité de pouvoir compter sur une situation politique
stable favorisant le dialogue politique dans le pays concerné. Concrètement,
cela signifie par exemple qu’en période pré- ou post-électorale,
ou encore de crise politique, toute visite du pays concerné ou discussion
sur le rapport est exclue car cela pourrait être perçu comme une
ingérence dans les affaires intérieures du pays.
184. La question de la disponibilité des rapporteurs et des changements
fréquents les concernant a déjà été évoquée par mon prédécesseur
mais, malheureusement, la situation à cet égard ne s'est guère améliorée depuis
le dernier rapport d’activité. En particulier, les élections à venir
dans les pays des rapporteurs et leur participation aux campagnes
électorales les empêchent souvent de remplir leurs engagements au
sein de la commission de suivi. En outre, il existe un risque très
réel qu’ils quittent l’Assemblée après les élections, soit pour
occuper d'autres fonctions, soit parce qu'ils ne sont pas réélus.
Le problème des changements de rapporteurs est parfaitement illustré
par le nombre de nominations auxquelles la commission a procédé
au cours de la période considérée et qui s'est élevé à 11. J'invite
les groupes politiques à désigner plus soigneusement les candidats
à un mandat de rapporteur pour le suivi des rapports d'examen périodique
et à tenir compte non seulement de leurs compétences mais aussi
de leur disponibilité.
185. En conclusion, la validité de deux ans des saisines pour les
rapports de suivi périodique crée une situation très insatisfaisante
à laquelle il convient de remédier. Au cours de discussions internes
à la commission, les membres ont indiqué qu'ils souhaitaient porter
le délai d’élaboration des rapports d'examen périodique à au moins
trois ans avec une possibilité de prolongation. Ce problème devenant
de plus en plus aigu, la commission, lors de sa réunion d'octobre
2022, m'a invité à écrire au Bureau pour demander la modification
du Règlement à cet égard.
186. Lors de sa réunion d'octobre, le Bureau a montré qu'il comprenait
parfaitement cette question et a prolongé la validité des rapports
d'examen périodique en cours (France, Pays-Bas, Saint-Marin) de
6 mois, jusqu'au 19 septembre 2023. En même temps, il a demandé
à la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles
d'examiner la question de la durée de validité des saisines pour
les rapports de suivi périodique dans son rapport plus général sur
l'amélioration du Règlement. Je suis convaincu que la position de
la commission de suivi sur la durée de validité sera prise en considération
par la commission du Règlement et que les articles pertinents du
Règlement seront modifiés en conséquence.
187. Une autre question qui a été examinée par la commission de
suivi concerne sa réactivité face à l'évolution de la situation
dans les États membres. Le processus actuel de sélection des rapports
périodiques a été critiqué car il ne répond pas de manière appropriée
à l'actualité et à l'évolution de la situation dans les États membres,
qu'elle soit favorable ou inquiétante pour cette Assemblée. Afin
de rendre la commission plus réactive et capable de faire face aux
évolutions futures, la commission est convenue que le processus
de sélection soit révisé afin de ne pas se limiter à la décision
prise chaque année en décembre et de lui permettre de choisir spécifiquement
un pays qui fera l’objet d’un suivi périodique.