Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Discussion
par l’Assemblée le 26 janvier 2022 (6e séance)
(voir Doc. 15443, rapport de la commission pour le respect des obligations
et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission
de suivi), rapporteur: M. Piero Fassino; et Doc. 15445, avis de la commission du Règlement, des immunités et
des affaires institutionnelles, rapporteure: Mme Maria
Jufereva-Skuratovski). Texte adopté par
l’Assemblée le 26 janvier 2022 (6e séance).
2. L’Assemblée se déclare extrêmement préoccupée par l’escalade
des tensions qui menacent la sécurité en Europe et par le renforcement
des troupes de la Fédération de Russie le long de la frontière avec
l’Ukraine.
3. En particulier, les lois relatives aux agents étrangers, aux
organisations indésirables et à l’extrémisme, modifiées récemment,
sont incompatibles avec les normes du Conseil de l’Europe et entraînent
des conséquences négatives sur la démocratie, l’État de droit et
le respect des droits humains.
4. La dissolution de Memorial, malgré de multiples demandes de
la communauté internationale, l’une des organisations de défense
des droits humains les plus respectées de la Fédération de Russie,
porte un coup sérieux à la démocratie et aux libertés d’association
et d’expression. Il s’agit d’un tournant et d’un obstacle important
au fonctionnement de la société civile indépendante en Fédération
de Russie.
5. Le sort de M. Alexeï Navalny, arrêté et détenu malgré l’arrêt
rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, est extrêmement
préoccupant, notamment compte tenu de son rôle dans le processus
politique en Fédération de Russie, tout comme les événements qui
ont entouré son empoisonnement.
6. L'Assemblée note que, contrairement aux dernières élections
législatives et présidentielles organisées en Fédération de Russie
en 2016 et 2018 respectivement, elle a été invitée à observer les
élections législatives de 2021. Elle regrette néanmoins les lacunes
dans le droit électoral et la conduite des élections législatives
de 2021 à la Douma, telles qu'elles ont été identifiées par la mission
d'évaluation de l’Assemblée et la Commission européenne pour la
démocratie par le droit (Commission de Venise).
7. L’Assemblée exprime sa très vive inquiétude quant à la détérioration
de la situation en ce qui concerne le pluralisme, les droits humains
et les libertés fondamentales dans la Fédération de Russie, qui
s’est manifestée par la répression à l’encontre des opposants politiques,
de la société civile indépendante, des voix dissidentes et des journalistes
exprimant des critiques.
9. L'Assemblée exprime sa plus vive déception de constater qu’aucune
des recommandations qui figuraient dans l'ensemble des résolutions
intitulées «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs
non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération
de Russie» n'ont été suivies.
10. En outre, l'Assemblée regrette le manque de coopération de
la Fédération de Russie avec l'Assemblée dans la préparation des
rapports intitulés «Faire la lumière sur le meurtre de Boris Nemtsov»
(
Résolution 2297 (2019));
«L'arrestation et la détention d'Alexeï Navalny en janvier 2021»
(
Résolution 2375 (2021)); «Empoisonnement
d'Alexeï Navalny» (
Résolution
2423 (2022)) et «Prisonniers politiques en Fédération
de Russie».
11. Si les préoccupations susmentionnées justifient des questions
quant au respect par la Fédération de Russie de ses engagements
et obligations en tant qu'État membre du Conseil de l'Europe, il
convient de souligner que l'Assemblée constitue l'unique plateforme
parlementaire paneuropéenne de dialogue politique, avec la participation
de tous les pays européens, sur les moyens de faire respecter les
valeurs et les normes que défend le Conseil de l'Europe, y compris
en Fédération de Russie. Il est rappelé que l'Assemblée ne peut jouer
un rôle significatif dans ce processus que si la Fédération de Russie
est un État membre de l'Organisation qui participe pleinement à
ses organes, mécanismes de coopération et activités.
12. À cet égard, il convient de reconnaître l'engagement de la
délégation russe à coopérer avec la commission pour le respect des
obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission
de suivi). L'Assemblée devrait saisir cette occasion pour exercer
une influence sur l'évolution de la situation de la démocratie,
de l’État de droit et des droits de l’homme dans la Fédération de
Russie.
13. Il convient de souligner que, de manière générale, la Fédération
de Russie est un membre actif du Conseil de l'Europe et qu'elle
participe intensément à ses nombreuses activités, notamment au titre
des conventions concernant le respect des engagements et obligations
qu'elle a contractés au sein de l'Organisation.
14. La primauté des décisions de la Cour constitutionnelle de
la Fédération de Russie sur le droit international, y compris les
décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, ne garantit
pas aux citoyens russes un recours en matière de droits humains
et la possibilité de tenir les autorités pour responsables, ce qui
demeure un argument important en faveur de la poursuite de la coopération
à tous les niveaux, y compris au niveau parlementaire.
15. Il faut noter que l’Union européenne, l’Organisation du Traité
de l'Atlantique Nord (OTAN), l’Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe (OSCE) et aussi les États-Unis, tout en
exprimant clairement leurs critiques à l’égard du comportement des
autorités russes, n’ont pas interrompu leurs relations avec Moscou
et ce, afin de maintenir un dialogue sur la sécurité en Europe et
de favoriser une évolution qui verra l’État de droit et les principes
démocratiques respectés en Fédération de Russie.
16. En conséquence, l’Assemblée décide de ratifier les pouvoirs
des membres de la délégation russe.
17. Dans le même temps, l’Assemblée demande aux autorités russes
de donner suite aux recommandations figurant dans les
Résolution 1633 (2008),
Résolution 1647 (2009),
Résolution 1683 (2009),
Résolution 1990 (2014),
Résolution 2034 (2015),
Résolution 2063 (2015),
Résolution 2132 (2016),
Résolution 2292 (2019),
Résolution 2320 (2020) et
Résolution 2363 (2021),
de mettre pleinement en œuvre la
Résolution 2375 (2021) «L'arrestation
et la détention d’Alexeï Navalny en janvier 2021», la
Résolution 2423 (2022) «Empoisonnement
d’Alexeï Navalny» et la
Résolution
2297 (2019) «Faire la lumière sur le meurtre de Boris Nemtsov»,
et en particulier:
17.1 de rappeler
dès que possible ses contingents militaires de la frontière ukrainienne
et de mettre fin à l'escalade des tensions militaires;
17.2 de répondre aux préoccupations relatives à l’abrogation
de la loi de 2012 sur les agents étrangers, telle que modifiée,
et à la loi de 2015 sur les organisations indésirables, telle que
modifiée, et d’amender la loi relative à l'extrémisme afin de la
rendre conforme aux normes du Conseil de l'Europe;
17.3 de ne pas adopter de nouvelles lois imposant des restrictions
supplémentaires à la société civile, aux défenseurs des droits humains
et aux journalistes;
17.4 de s’abstenir de tout acte conduisant à la violation des
droits fondamentaux et des libertés, en particulier la liberté d’association,
de réunion et d’expression;
17.5 de coopérer avec toutes les commissions de l’Assemblée
et de faciliter les missions de suivi et d’information de l’Assemblée;
17.6 d’intégrer, dans le système juridique russe, les arrêts
de la Cour européenne des droits de l’homme et de les mettre en
œuvre;
17.7 de mettre en œuvre sans délai toutes les décisions du
Comité des Ministres concernant l'exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme et les multiples recommandations du
Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants (CPT);
18. En réponse à la ratification des pouvoirs de la délégation
russe, l’Assemblée attend un dialogue constructif aboutissant à
des résultats concrets. Elle invite sa commission de suivi à poursuivre
le dialogue avec les autorités de la Fédération de Russie et à soumettre
son rapport sur le respect des obligations et des engagements de
la Fédération de Russie dans les meilleurs délais, et au plus tard
avant la fin de l'année 2022.