Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de la Fédération de Russie
- Auteur(s) :
- Assemblée parlementaire
- Origine
- Discussion
par l’Assemblée le 28 janvier 2021 (7e séance)
(voir Doc. 15216, rapport de la commission pour le respect des obligations
et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission
de suivi), rapporteur: M. Stefan Schennach; et Doc. 15218, avis de la commission du Règlement, des immunités et
des affaires institutionnelles, rapporteure: Mme Ingjerd
Schou). Texte adopté par l’Assemblée le
28 janvier 2021 (7e séance).
2. L’Assemblée déplore un certain nombre de tendances négatives
qui vont en s’aggravant au regard de la démocratie, de l’État de
droit et des droits de l’homme en Fédération de Russie, ce qui a
un effet sur le respect des obligations et engagements pris par
la Fédération de Russie.
3. L’Assemblée exprime son inquiétude vis-à-vis de plusieurs
changements récents introduits dans la Constitution de la Fédération
de Russie et de la procédure d’adoption des amendements.
4. Elle est particulièrement inquiète du fait qu’une nouvelle
disposition constitutionnelle donne compétence à la Cour constitutionnelle
de la Fédération de Russie pour déclarer un arrêt de la Cour européenne
des droits de l’homme non exécutable. Cela est incompatible avec
les obligations de la Fédération de Russie découlant de la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5).
Cela doit aussi être considéré à la lumière d’un amendement à l’article 83
de la Constitution, qui autorise le Conseil de la Fédération (chambre
haute du parlement) à révoquer les juges de la Cour constitutionnelle
à la demande du Président, exposant ainsi la Cour constitutionnelle
à des pressions politiques.
5. Par ailleurs, les dispositions nouvellement amendées de la
Constitution relatives à la protection de l’intégrité territoriale
et à l’interdiction de l’aliénation de territoires, ainsi que le
texte d’application adopté en 2020, interdisent et incriminent toute
mesure visant à céder un territoire à un autre pays, ce qui rend
quasiment impossible la résolution de la question de la Crimée en
conformité avec le droit international, comme l’a exigé à plusieurs
reprises l’Assemblée.
6. La répression de la société civile, de l’opposition extraparlementaire
et des journalistes critiques ainsi que les restrictions imposées
par les autorités russes sur les libertés fondamentales, notamment
la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté d’association,
suscitent de très vives inquiétudes. Dans ce contexte, l’Assemblée
déplore la décision du procureur général d’inscrire le Réseau des
Écoles d’études politiques du Conseil de l’Europe sur la liste des
«organisations indésirables», prétextant des motifs de sécurité.
7. L'Assemblée exprime sa préoccupation face à l'adoption récente
par la Douma d'État d'une série d'amendements restrictifs à la législation
concernant les activités des organisations non gouvernementales (ONG)
et des médias, l'organisation et la conduite d’événements publics,
la protection de l'État et la sécurité de l'État, ainsi que face
aux lois limitant les droits de l'homme des personnes LGBTI et au
processus législatif en cours concernant d'autres changements ayant
un impact sur les libertés fondamentales.
8. En outre, l’Assemblée est extrêmement inquiète de l’empoisonnement
de M. Alexeï Navalny, de l’absence de véritable enquête des autorités
russes et du manque de coopération avec l’Organisation pour l’interdiction
des armes chimiques. Elle est également extrêmement inquiète de
l’arrestation de M. Navalny à son arrivée à Moscou suivie de son
placement en détention, ainsi que des arrestations, de la violence
et du recours disproportionné à la force contre les manifestants
pacifiques qui le soutiennent.
9. Dans le même temps, l’Assemblée souligne qu’elle continue
de soutenir le dialogue comme moyen de parvenir à des solutions
durables, ainsi que l’ont montré les résolutions précitées. L’Assemblée
constitue l’enceinte paneuropéenne la plus importante où peut avoir
lieu un dialogue politique sur les obligations de la Fédération
de Russie en vertu du Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1),
avec la participation de toutes les parties intéressées, et où la
délégation russe de l’Assemblée peut être invitée à rendre des comptes
sur la base des valeurs et des principes du Conseil de l’Europe.
10. Il convient de souligner que, étant donné l’obligation en
droit international des États et des organisations internationales
de ne pas reconnaître les conséquences de l’annexion illégale d’un
territoire, la ratification des pouvoirs de la délégation russe
par l’Assemblée ne constituerait en aucun cas une reconnaissance,
même implicite, de l’annexion de la Crimée par la Fédération de
Russie.
11. En conséquence, l’Assemblée décide de ratifier les pouvoirs
des membres de la délégation russe.
12. À cette occasion, l’Assemblée appelle la Fédération de Russie
à respecter toutes les recommandations incluses dans les
Résolution 1990 (2014),
Résolution 2034 (2015),
Résolution 2063 (2015),
Résolution 2292 (2019) et
Résolution 2320 (2020),
et, en outre:
12.1 de traiter les
problèmes et de respecter les recommandations formulées par la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans son
Avis n° 981/2020 sur le projet d’amendements à la Constitution relatifs
à l’exécution en Fédération de Russie des décisions de la Cour européenne
des droits de l’homme, ainsi que son avis à venir sur les autres
amendements et leur procédure d’adoption, qui devrait être rendu
en mars 2021;
12.2 de s’abstenir de toute violation des libertés fondamentales
et des droits humains, en particulier la liberté d’expression, de
réunion et d’association, et de libérer M. Navalny ainsi que les
manifestants pacifiques et sympathisants illégitimement arrêtés
non seulement le jour de son arrivée, mais aussi avant les manifestations
prévues le 23 janvier 2021, ainsi que pendant les manifestations
elles-mêmes;
12.3 de ne pas adopter de nouvelles lois imposant des restrictions
supplémentaires sur les activités de la société civile, des journalistes
et des opposants politiques, et de revoir les lois déjà en vigueur,
en particulier la série de lois adoptées le 25 décembre 2020 ainsi
que la loi relative aux agents étrangers et aux organisations indésirables,
en vue de les rendre conformes aux normes du Conseil de l’Europe. À
cette fin, la Fédération de Russie devrait faire usage de l’expertise
juridique du Conseil de l’Europe;
12.4 de retirer l’École d’études politiques du Conseil de l’Europe
de la liste des organisations indésirables.
13. L’Assemblée s’attend à ce que son offre sans équivoque de
dialogue constructif soit acceptée de sorte à aboutir à des résultats
tangibles et concrets. Elle invite sa commission pour le respect
des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe
(commission de suivi) à soumettre un rapport sur le respect des
obligations et des engagements de la Fédération de Russie dans les
meilleurs délais.